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contrat : moyennant une participation à débattre aux avantages de l’affaire, le concessionnaire en abandonne l’exploitation et le contrôle à son associé européen. Il est tout aussi inutile de dire que les affaires de ce genre sont considérées comme n’ayant pas seulement un caractère industriel et économique, mais encore une haute portée politique. Les représentans des puissances à Pékin emploient une partie de leurs efforts, de leur temps et de leur influence à assurer à leurs compatriotes des concessions de chemin de fer ou, pour être plus exacts, l’exploitation de ces concessions ; et on peut penser que le ministre anglais ne néglige rien pour en assurer aux siens. Peut-être, même y met-il quelquefois un zèle un peu intempestif : c’est ainsi qu’une banque anglaise a obtenu dernièrement la concession du chemin de fer de Chan-haï-kouan à Niou-tchouan. On sait déjà qu’il existe un chemin de fer de Pékin à Tientsin et de Tientsin à Chan-haï-kouan : c’est celui-là même qu’il s’agissait de prolonger jusqu’à Niou-tchouan. Il suffit de jeter les yeux sur une carte pour reconnaître l’importance de ce chemin de fer prolongé ; il longe, en effet, toute la partie supérieure du golfe de Petchili, puis du golfe de Liao-toung, pour aboutir, par une sorte de mouvement tournant, derrière la presqu’île de Port-Arthur et de Talien-wan. Nous ignorons si le gouvernement russe a jugé à propos de se faire reconnaître par écrit une zone d’influence au sud de la Mandchourie et au nord de Pékin : cela importe d’ailleurs infiniment peu. Quand les zones d’influence sont dans la nature des choses, on n’a pas besoin de les coucher sur un papier. Il est évident que le chemin de fer en question se développait sur un territoire où la Russie a concentré ses principaux intérêts : dès lors, elle devait faire l’opposition la plus énergique à ce qu’il fût concédé à une compagnie anglaise. C’est ce qui est arrivé. Pendant plusieurs jours, on s’est demandé qui l’emporterait à Pékin de l’influence anglaise ou de l’influence russe, et de part et d’autre tous les moyens ont été mis en œuvre. Le gouvernement anglais en a même employé un où on aurait pu voir, à Saint-Pétersbourg, un procédé comminatoire : il a fait savoir au Tsong-li-yamen sa ferme volonté de soutenir la Chine contre toute agression ou menace d’agression qu’elle aurait encourue « pour avoir donné à un sujet britannique la permission de construire un chemin de fer, ou de contribuer à sa construction, ou d’entreprendre d’autres travaux publics. » Et cette déclaration a été lue solennellement à la Chambre des communes et à la Chambre des lords.

Le Tsong-li-yamen a répondu au gouvernement anglais qu’il le