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résiste pas à une élévation de température. Il ne peut donc constituer l’azote atmosphérique préparé, précisément, par le passage de l’air sur le cuivre ou le fer chauffés au rouge.

Ainsi, les suggestions des chimistes consistant à imaginer des condensations ou des dissociations moléculaires s’étant montrées inexactes en fait, il fallut bien en arriver enfin à la conclusion que la différence de poids, dûment constatée, des deux azotes, était due à la présence d’un gaz étranger, puisqu’il fallait abandonner la supposition d’un gaz pur se présentant sous deux formes distinctes.

En toute logique, la lourdeur relative de l’azote atmosphérique par rapport à l’azote chimique pourrait s’expliquer également si un gaz plus léger que l’azote pur souillait l’azote chimique et en abaissait le poids — ou si un gaz plus lourd que l’azote pur souillait l’azote atmosphérique et en élevait la densité. Nous avons montré plus haut l’invraisemblance ou l’impossibilité de la première supposition en rappelant que les composés azotés fournissant l’azote chimique étaient parfaitement définis et cristallisés. Il faut donc accepter cette dernière conclusion à laquelle on est acculé : L’azote atmosphérique contient, mêlé à l’azote pur, à l’azote chimique, un gaz plus lourd que lui.

L’argon avait maintenant une existence nécessaire, une existence logique, il fallait l’obtenir en réalité, le préparer, l’isoler.

C’est ici que les savans anglais reprirent l’expérience de Cavendish, en l’entourant de toutes les précautions et en lui appliquant tous les perfectionnemens que permet le développement des ressources scientifiques à cent ans d’intervalle. Ils firent passer l’étincelle électrique dans un récipient où l’air atmosphérique (7 litres) était additionné successivement de nouvelles quantités d’oxygène pur (au total 9 litres) en présence d’un alcali. L’oxygène se combine à l’azote ; il se forme des vapeurs rutilantes qui se dissolvent dans la potasse en fournissant de l’azotate et de l’azotite de potassium. Ainsi, l’azote chimique disparaît successivement de l’air primitivement employé. Cette absorption de l’azote chimique se faisait ici trois mille fois plus vite que dans l’expérience de Cavendish. Après sept jours de passage ininterrompu d’un courant de 2 400 volts, les savans anglais obtinrent, en lin de compte, un résidu irréductible de 65 centimètres cubes. C’était le nouveau gaz, absolument dépouillé d’azote, comme on put s’en assurer par l’examen spectral, l’argon pur, en réalité et en