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Néanmoins la quantité d’azote n’est pas non plus invariable comme tendraient à le faire croire ces vues trop simples sur l’inertie chimique prétendue de ce corps. Il existe un ensemble de causes naturelles qui tendent à diminuer sans cesse le capital d’azote libre. C’est, en premier lieu, la formation de composés nitriques et nitreux dans l’air sous l’influence de l’électricité atmosphérique.

L’étincelle électrique, en traversant l’air, forme de l’acide azoteux si cet air est sec, et de l’azotite d’ammoniaque, s’il est humide, c’est-à-dire qu’elle transforme l’azote libre en azote combiné ; et c’est là une cause indéniable de diminution de l’azote atmosphérique. Il est fort difficile d’en apprécier l’importance. On peut la croire faible et négligeable, car les orages sont, en définitive, des phénomènes rares, accidentels, localisés, incapables, malgré leur violence, des effets auxquels atteignent les causes lentes et continues. Mais, précisément, les agens de cette nature interviennent aussi, avec la puissance qui leur appartient. La décharge disruptive de l’éclair n’est pas nécessaire pour combiner l’azote ; M. Berthelot a montré que les plus faibles actions électriques y suffisent. Partout et en tout temps règnent au voisinage du sol des tensions électriques minimes qui permettent à l’azote atmosphérique de se fixer sur un grand nombre de matières organiques pour constituer des corps azotés complexes. M. Berthelot a fourni de nombreux exemples de ces combinaisons naturelles possibles en unissant l’azote par le moyen de ces faibles effluves à des substances organiques telles que la cellulose et la dextrine.

Le même savant a contribué à mettre en lumière deux autres causes, très générales aussi, qui travaillent, avec non moins d’efficacité, à réduire la quantité d’azote de l’air. Les sols argileux, grâce aux organismes microscopiques qu’ils renferment, soutirent d’une façon incessante ce gaz à l’atmosphère. La soustraction s’exagère et atteint des proportions énormes dans les sols où sont cultivées les plantes légumineuses ; non pas que ces végétaux aient par eux-mêmes la faculté d’absorber directement l’azote, mais parce que leurs racines donnent asile à des multitudes innombrables de ces microbes du sol qui, eux, possèdent cette faculté. Les micro-organismes fixateurs de l’azote contractent avec les racines des légumineuses une sorte d’association pour l’exploitation à profits communs de l’azote atmosphérique. Les associations de ce genre, dont on a découvert de nombreux exemples, sont connues sous le nom de symbioses. La déperdition