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cuivre étamé ; et, pour faire cuire le riz, une de ces énormes marmites de fer, de forme hémisphérique, comme on en trouve depuis le Volga jusqu’à la mer Jaune, et qui constituent l’une des principales marchandises de la grande foire de Nijni-Novgorod.

Il ne fallait pas négliger, surtout en cette saison où la montagne est absolument inhabitée, les provisions de bouche. Pour cette traversée de grands espaces, où nous devions constamment cheminer sur la neige ou sur un sol gelé, notre situation n’était pas sans quelque analogie avec celle des explorateurs des régions arctiques. Pendant trois jours nous parcourûmes le bazar d’Och, on quête des alimens habituels aux indigènes en pareille circonstance, donnant la préférence à ceux qui présentaient le plus de valeur nutritive sous un petit volume. Le thé et le riz occupèrent le premier rang et furent choisis avec soin, ainsi que les quelques légumes et autres ingrédiens nécessaires à la fabrication du pillao. Nous y joignîmes un approvisionnement de graisse sous forme de trois ou quatre queues de ces gros moutons dont l’énorme appendice caudal n’est qu’une masse adipeuse du poids de plusieurs kilogrammes. Quant au pain, il était représenté par plusieurs centaines de ces petites galettes compactes et épaisses, faites d’un mélange de farine et de suif, et qui d’ailleurs ne constituent pas exactement pour les indigènes l’aliment important et fondamental qu’est le pain chez nous. Ce rôle est rempli en Asie, comme on le sait, par le riz. Les pains en question ne sont qu’un mets particulier, exceptionnellement usité, mais ils sont assez recherchés des indigènes lorsqu’ils voyagent. On les fabrique dans des fours aussi étranges que rudimentaires : ce sont tout simplement des cloches en terre percées d’un trou à leur sommet et d’un autre trou latéral, à leur base. Sous ces cloches on brûle quelques fagots, après avoir tout simplement collé sur la paroi de l’intérieur des boulettes faites du mélange en question. Ces boulettes sont légèrement aplaties et trouées en leur centre. Quand on les suppose suffisamment cuites, on les harponne par l’orifice supérieur avec une tringle de fer terminée en croc. Ces objets peu appétissans ont, m’a-t-on affirmé, la propriété de se conserver pendant plusieurs semaines ; mais ils ont aussi celle d’acquérir la dureté de la pierre, sans qu’aucun traitement puisse ensuite les ramollir. C’est ce que je constatai à mes dépens. J’ignore si la congélation ou la vétusté furent la cause de ce fâcheux résultat, mais je portai jusqu’au bout de mon voyage un