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Léon XIII et le cardinal Rampolla crurent y placer un collaborateur dévoué et convaincu de leur politique. Mais, Polonais de race et de tendances, aristocrate d’instincts, le cardinal ne put élever son esprit jusqu’à cette politique aux larges horizons, génératrice des victorieux lendemains, que le pape régnant et son secrétaire d’Etat ont inaugurée. Lorsque Léon XIII eut renouvelé l’antique enseignement social de l’Église et incliné vers les souffrances des peuples la majesté de la tiare, lorsque l’alliance franco-russe eut été conclue, lorsque aussi M. de Bismarck fut tombé, le préfet de la Propagande redevint l’ami de l’Allemagne, l’adversaire systématique de la France et de la Russie ; et quand en 1889 l’empereur Guillaume II vint à Rome, sa première visite fut pour l’ancien martyr du Culturkampf. Dès lors, le cardinal Ledochowski devint dans le monde catholique le patron des intérêts germaniques. On vit se grouper autour de lui, sous les mêmes bannières, tous ceux qui dans la Rome papale jalousaient la gloire du pontificat ou en détestaient les « directions ; » ceux qui rêvaient entre le Quirinal et le Vatican une chimérique conciliazione ; ceux encore qui, sous le règne de Léon XIII, préparaient ou escomptaient l’avènement de son successeur ; ceux enfin qui, par leurs origines ou leurs tendances nationales, étaient les adversaires naturels de la République française ou du tsar de Russie : Mgr de Hohenlohe, cardinal de curie pour l’Allemagne ; et Mgr Galimberti, qui joignait au zèle d’un « conciliateur » la souplesse d’un papabile, comptaient, avec Mgr Ledochowski, parmi les inspirateurs les plus éminens de ce parti gibelin. C’est par la Propagande surtout que ces ennemis de l’influence française exercèrent leur action. — En 1894, quand mourut le cardinal Lavigerie, notre gouvernement put craindre que la Propagande n’eût le désir de subordonner à des influences italiennes ce siège de Carthage que ce grand ouvrier de l’œuvre catholique et de la grandeur française avait restauré et illustré. Il fallut l’intervention énergique de M. le comte Lefebvre de Béhaine pour arrêter cette tentative antifrançaise, faire évoquer l’affaire à la secrétairerie d’Etat, et conclure une sorte de concordat qui excluait à jamais de la régence que nous protégeons toute ingérence étrangère.

La pesée secrète, mais continue, qu’exercent à Rome les personnages défavorables aux intérêts français a rarement produit des effets aussi retentissans ; mais nos adversaires savent profiter