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exception ; il n’y en a que six aux atours. Rien d’autre, rien absolument : Joséphine n’a dans sa garde-robe que deux pantalons en soie de couleur chair pour monter à cheval.

Quand elle a endossé un peignoir de percale, de mousseline ou de petit basin (et elle en a à l’infini, de toutes formes, de toutes broderies et de toutes garnitures), les femmes de garde-robe introduisent, dans le premier cabinet de toilette, Herbault, le valet de chambre coiffeur. C’est un personnage important qui se présente en habit brodé et l’épée au côté. Il ne touche ostensiblement que 1 200, puis 1 500 francs par année ; mais, à partir de 1805, il a, par an, 6 000 francs de supplément de traitement et une gratification de 1 600 à 1 800 francs. Ses fournitures vont de 5 000 à 8 000 francs et certes l’Impératrice n’est point sa seule cliente : toutefois, ce n’est qu’en 1809, après le divorce, qu’il visa au grand, s’établit marchand de modes, rue Neuve-Saint-Augustin et devint un de ces grands hommes à l’usage de la Parisienne, qui prennent une sorte d’influence sur les mœurs, en ayant une assurée sur les chapeaux.

Herbault n’est que pour les petits jours ; il a un rival ou plutôt un maître, l’étonnant Duplan, l’artiste qui a accommodé toutes ces dames du Directoire, celui à qui Madame Tallien remettait, pour l’en coiffer, un voile de dentelles de 8 000 francs, qui le regardait, le retournait, puis le jetait d’un geste superbe : « Madame, il est trop grand, je ne pourrai jamais vous coiffer d’une manière digne de vous et de moi ; » et, sur les supplications de Theresia, il prenait des ciseaux, coupait, rognait à son goût, faisait une loque du beau voile, mais une loque qui le sacrait, lui, le premier coiffeur de Paris. Duplan, pour ses soins, touche 32 000 francs en 1807, 12 000 en 1808, autant en 1809, sans compter 8 000 à 10 000 francs de marchandises qu’il fournit par année. Au divorce, Napoléon l’enlève à Joséphine, le place près de Marie-Louise, aux gages vraiment extraordinaires de 42 000 francs par année, sans compter les gratifications, et il en est de 12 000 francs d’un seul coup. Aussi, le fils de Duplan entre à l’Ecole polytechnique, il est ingénieur des constructions maritimes, il se bat à Anvers, se retire ensuite dans ses propriétés près de Toulouse et, de 1852 à 1869, est constamment élu député de la Haute-Garonne.

Des coiffures qu’Herbault et Duplan font à Joséphine, il en est de mille sortes et des plus compliquées : en général, une grosse boucle en repentir descend sur l’épaule, mais on essaie de tout un peu : les mille bouclettes donnante la tête ronde un air d’enfance ;