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catholique, relier entre eux les centres épars de l’influence germanique par un double protectorat religieux, avoir par le globe une clientèle à la fois religieuse et économique qui répandra l’idée allemande, achètera les produits allemands et qui, tout en professant l’évangile du Christ, prônera « l’évangile de la personne sacrée de l’empereur, » telles sont les maximes directrices de la politique actuelle de Guillaume II.

Le catholicisme, avec ses dogmes, son chef partout obéi, sa hiérarchie, ses vaillantes milices de missionnaires, est sans doute l’une des plus puissantes parmi les forces morales qui aspirent à guider l’humanité. Lier cette force morale immense à l’immense force matérielle de l’empire allemand, quel rêve ! Ce rêve, Guillaume II l’a fait et il entend le réaliser. Si, arrangeant l’histoire à sa façon, il se souvient que « la Hanse allemande a fini par tomber en décadence parce que la protection impériale lui faisait défaut, » il sait aussi que l’empereur fut jadis, dans l’œuvre de propagation et de défense du catholicisme, le collaborateur des papes. Malgré Luther et la Réforme, il ne cache pas son désir de renouer cette union féconde. « Prêtres ou négocians, » sa sollicitude impériale s’étendra aux uns et aux autres. Il ne sépare pas la protection de la « nouvelle Hanse allemande » de celle « des missionnaires allemands, ses frères. » Expansion par le commerce et le protectorat religieux : voilà la fin et voilà les moyens.

Par une singulière fortune, Guillaume II trouve dans l’accroissement extérieur de la puissance allemande la solution des difficultés intérieures de son gouvernement. « La couronne impériale a été, pour Votre Majesté, entourée d’épines, » lui disait à Kiel son frère le prince Henri. Ces épines, ce sont les partis politiques qui perfidement les ont glissées entre les plaques d’or de l’insigne impérial. Guillaume II, pas plus que Bismarck, n’a jamais disposé au Reichstag d’une majorité compacte et aveuglément dévouée. Le chancelier, au temps du Culturkampf, s’appuya sur le « Cartel » pour gouverner contre les catholiques ; l’empereur, dans le désarroi des partis libéraux, est obligé de s’appuyer sur le Centre catholique pour gouverner contre les socialistes. Les cent députés catholiques sont « l’axe, » l’ entscheidende Partei, du Reichstag. Au dehors, l’empereur se fait le défenseur et le champion du catholicisme ; il couvre les missionnaires de sa protection auguste ; au dedans, il fait voter par le Centre catholique les lois dont il a besoin. C’est en entraînant derrière lui les partis éblouis par