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de situations dénaturées, se rencontrent pourtant quelques traits d’observation directe.

Bien peu de chose, ce que sa mère a pu observer : celles qu’il faut entendre, sur Joséphine, celles qui assistent réellement à son existence dans l’intime de l’Appartement intérieur, c’est la garde d’atours, Madame Mallet, ce sont les quatre femmes de garde-robe : Madame Charles, Mademoiselle Aubert, Madame Fourneau, Mademoiselle Avrillon. La fille de garde-robe change souvent et n’a point d’importance, mais ces cinq, choisies et triées sur un grand nombre d’autres (car, en 1803 et 1804, on voit passer dans la chambre de Madame Bonaparte : la demoiselle Doinel, les deux Loret, les femmes Roque, Poirot, Pérardel et une Anglaise, miss Jane Yppliard), ces cinq, établies à partir de 1805 d’une façon définitive, forment, avec la négresse Malvina, Madame Alimane, le fond de la vie domestique. Madame Mallet, ancienne ouvrière de Madame Germon, la couturière ; Mademoiselle Aubert, entrée en 1802 à 600 francs de gages, portée en 1805 à 1 200 francs, qui, avec deux ouvrières, tient le linge de l’Impératrice et qui est si connue de Napoléon que plus tard il la demande à Joséphine pour être garde des atours de sa seconde femme ; Madame Charles (Mademoiselle Bayeux), ancienne femme de chambre de Mademoiselle d’Orléans, placée près d’Hortense par Madame Campan, renvoyée par Louis dans un de ses accès de jalousie, reprise par Joséphine le 22 mars 1805 aux gages de 1 800 francs ; Madame Fourneau (Marie-Louise Lescallier), entrée en 1802 à 600 francs, portée à 1200 francs en 1805 ; et Mademoiselle Avrillon, venue aux mêmes gages du service de Mademoiselle Tas-cher où Joséphine l’a mise d’abord ; voilà les témoins de la vie, les personnages qui entrent vraiment dans la familiarité, qui sont admis dans les confidences.

Quelle confidence plus ample qu’une toilette quotidienne de trois heures, une toilette comportant des soins, des complicités, d’infinies recherches, d’extrêmes complaisances ? Quel pouvoir ne prend point alors l’embellisseuse sur une maîtresse qui se sent vieillir et dont l’unique but dans la vie est de plaire et de rester jeune ? Quelle assurance ne donne point aux servantes la connaissance des secrets qui conservent ou qui rendent l’apparence de la jeunesse ? Aussi, à ses femmes de garde-robe, Joséphine ne confie pas seulement ses robes et ses bijoux, mais elle leur conte ses affaires les plus secrètes ; elle leur dit ses craintes, ses rêves et ses