Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’étale un écu compliqué supporté par deux licornes. Pour donner à cette duchesse l’apparence d’être occupée, on l’avait chargée de la surveillance du linge et du soin des cachemires. Elle avait une collègue de son rang, entrée le 19 frimaire an XIII (10 décembre 1804), une Madame Bassan, femme d’un libraire qui avait fait de mauvaises affaires, que Foncier, le joaillier, avait recommandée comme s’entendant à nettoyer les bijoux : elle devait avoir la garde de l’écrin, mais de fait elle n’était pas plus employée que Madame Saint-Hilaire.

Les quatre femmes de chambre, qui viennent ensuite, sont de jolies filles qui, dès l’an XIV (fin 1805), reçoivent le titre de dames d’annonce. Elles sont, dans l’Appartement intérieur, ce que sont les huissiers dans l’Appartement d’honneur. De service deux par deux et par semaine, elles se tiennent, l’une dans la porte de la salle de billard, l’autre dans le salon contigu à la chambre à coucher, annoncent à l’Impératrice les personnes qui ont obligation de lui parler, le préfet du Palais pour les repas, le chambellan de service pour les audiences, ouvrent la porte à l’Empereur, aux princesses, aux dames de l’Impératrice, et c’est tout : aussitôt le préfet du Palais venu pour le dîner, elles sont libres jusqu’au lendemain matin, neuf heures. Pour cela, elles ont 3 000 francs de gages. La première nommée à ce titre, Eglé Marchery, jeune créole ruinée par les événemens, avait été recueillie par Joséphine d’abord comme femme de garde-robe ; puis, la place paraissant trop au-dessous de son éducation, on créa celle-ci pour elle. Félicité Longroy, fille d’un huissier du Cabinet, en profita, fut aussi promue, et eut par-là d’autres promotions ; puis, d’un milieu plus relevé, vinrent une Madame Soustras et une Madame Ducrest de Villeneuve dont on n’eut point à jaser et qui, aux Tuileries, ne coururent point la grande aventure. Madame Ducrest de Villeneuve, femme du secrétaire général de l’administration des Droits réunis, nièce par son mari de Madame de Genlis, avait une fille, Georgette Ducrest, qu’elle introduisit à sa suite et qui fut parfois, après le divorce, admise à faire de la musique chez l’Impératrice : cette fille épousa Bochsa, le compositeur alors célèbre de la Dansomanie et des Noces de Gamache, fut ruinée et abandonnée par lui, perdit sa voix dont elle vivait, chercha alors à tirer parti de sa plume et publia des Mémoires sur l’Impératrice Joséphine, la cour de Navarre à la Malmaison où, au milieu de documens apocryphes, d’anecdotes controuvées,