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la vie est moins publique, la claustration moins sévère ; grâce aux jardins réservés, la promenade est facile et les courses en voiture, soit dans le grand parc, soit aux environs, à la Malmaison surtout sont presque habituelles ; la monotonie des journées s’en trouve un peu rompue, mais la trame n’en est point modifiée, le programme reste semblable ; ce sont les mêmes gens qui paraissent et qui passent ; les mêmes heures amènent les mêmes obligations, et, pour l’Impératrice, la vie en ses grandes lignes reste pareille.


II

C’est de cette vie, dans ce décor désormais à peu près connu, qu’il faut rendre un compte minutieux et précis si l’on veut prendre quelque notion des goûts et des habitudes de Joséphine.

Si l’Empereur a passé la nuit dans les appartemens de l’Impératrice, il les quitte vers huit heures du matin et, à Paris, il remonte ; à Saint-Cloud, il descend chez lui : seulement, à Saint-Cloud, point d’accès direct ; il faut, par un long corridor sur lequel ouvrent les chambres des dames du Palais et des femmes de chambre, gagner un escalier public.

Vers la même heure, les femmes de l’Impératrice, dont une couche tout à côté, entrent dans sa chambre et y font le jour. Elles apportent, pour premier repas, ce que Joséphine a commandé la veille, une tasse d’infusion ou de limonade qu’elle prend au lit et elle reste encore quelque temps à paresser dans les draps de batiste brodée, aux taies d’oreillers assorties ou garnies de malines.

Elle est coiffée, pour la nuit, d’un bonnet de percale ou de mousseline brodée, garni de valenciennes et de malines ; parfois, d’un toquet de percale, garni d’Angleterre, de point à l’aiguille ou de broderies ; ou bien d’un serre-tête long en mousseline ou en batiste brodée, garni de malines ; ou bien encore d’une pointe de mousseline brodée et garnie d’Angleterre. Bien que, dans sa lingerie, elle ait quantité de chemises à manches longues, à manches bouffantes, à manches à soufflets, elle porte, la nuit comme le jour, les mêmes chemises sur lesquelles, le soir, elle passe une camisole : voici des camisoles de mousseline brodée à dents ; en voici faites en pèlerine et doublées de satin de toutes nuances ; en voici de percale, de batiste d’Ecosse, de tulle de fil,