Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On accède à l’Appartement d’honneur de l’Impératrice par un perron qui s’ouvre sur le Carrousel à l’encoignure du Pavillon de Flore et qui conduit aussi à l’escalier menant, au premier étage, aux appartemens de l’Empereur. Lecomte, l’architecte qui, au début du Consulat, avait combiné les premiers aménagemens, avait fait l’entrée de l’appartement de Madame Bonaparte par une série de petites pièces, où l’on pénétrait du palier, et sur lesquelles se développaient les salons en façade sur le jardin. Cela n’avait ni tournure, ni majesté : aussitôt donc que Fontaine et Percier eurent été choisis par Napoléon pour diriger les travaux des Tuileries, ils mirent bas les cloisons et réunirent toutes ces petites pièces en une belle antichambre prenant jour sur les jardins. (Prairial an X, mai-juin 1802.) Ils avaient formé dès lors un plan général de décoration, mais la résidence presque ininterrompue de Joséphine mit obstacle à tout remaniement important et, pour le moment, il fallut laisser les salons tels que Lecomte les avait arrangés, très à la hâte, avec un crédit fort médiocre et un goût discutable.

Aussi bien, pour rendre ces salons simplement habitables, il eût fallu deux conditions que Napoléon ne voulut jamais admettre. Les appuis des croisées étaient si élevés qu’une personne assise à l’intérieur ne voyait rien du dehors ; mais on ne pouvait les baisser sans gâter l’architecture extérieure, et Napoléon ne permit point qu’on y touchât. D’autre part, si, au rez-de-chaussée du Palais, on ouvrait une fenêtre ou qu’on levât un rideau, une foule s’ameutait aussitôt dans le jardin ; car le passage devant le palais était libre, l’on n’était séparé du public que par une terrasse assez large et haute de deux marches, et c’était un trop intéressant spectacle d’apercevoir quelqu’un qui pût tenir à l’Impératrice pour que les badauds s’en privassent ; mais Napoléon, si friand pourtant de promenade à pied, ne pensa même point à priver les Parisiens d’une bande de leur jardin et d’un passage auquel ils étaient habitués. L’Impératrice en fut quitte pour ne point ouvrir ses fenêtres, et lui, pour ne point marcher au grand air. Ce fut Louis-Philippe qui fit baisser les appuis des fenêtres et qui tailla le premier jardin réservé.

Les salons restèrent donc tendus en soie de couleur sous les grands plafonds Louis-quatorziens ; aux murs, des tableaux dont le mélange était du goût de Joséphine : d’abord, elle avait pris, des tableaux du Musée, le Saint Jérôme et la Vierge à l’écuelle du