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L’EXISTENCE D’UNE IMPÉRATRICE
JOSÉPHINE DES TUILERIES

PREMIÈRE PARTIE

Du 28 floréal an XII (18 mai 1804), jour où, à Saint-Cloud, le Sénat vient saluer Joséphine du titre d’Impératrice, au 16 décembre 1809, jour où, aux Tuileries, son mariage avec Napoléon est dissous, cinq ans et sept mois : c’est le temps qu’elle a été associée à l’Empire. Il faut fixer son esprit à ces dates, se les tracer en mémoire ; car, en ce temps si bref en durée, les événemens se pressent et s’accumulent de telle façon qu’au lieu d’un lustre, l’on serait tenté de croire qu’ils en occupent trois ou quatre. Tant de faits, tant de choses, tant d’êtres entrant vifs ou morts dans l’histoire ; tant de cérémonies, et de fêtes, et de voyages ; quatre traités de paix changeant en entier la face de l’Europe, l’Autriche deux fois conquise, la Prusse anéantie, la Russie réduite, l’Espagne envahie, l’Italie constituée, l’Allemagne confédérée, la Pologne renaissante ; le siècle se levant dans une lumière d’apothéose qui l’éclairera tout entier, secoué et comme enivré par ce vent de gloire qui, aux premiers jours, a traversé l’immense et frissonnant trophée des drapeaux conquis ; des noms de batailles, aux syllabes étranges et mystérieuses, comme dictées par le destin pour se graver dans le souvenir des peuples : Austerlitz, Iéna, Eylau, Somo-Sierra, Essling, Wagram, tout cela tient en cinq années, et ces cinq ans, dont la splendeur éblouit, jettent dans l’ombre tout ce qui les suit et, tirant à eux tout le regard, semblent le siècle même — et combien d’autres siècles !