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Qu’est-ce donc que la nuit dit à ton cœur malade ?
 — Elle me dit : « Pauvret, je suis ta camarade.
Mêmes choses, vois-tu, nous emplissent d’émoi,
Je suis délicieuse et tendre comme toi.
N’es-tu pas l’âme triste en quête du mystère,
Quelque chose qui pèse à peine sur la terre,
Un rêve, une ombre, un rien, et qui chante pourtant ?
Nous nous sommes aimés, c’est vrai, rien qu’en chantant.
Nous avons tous les deux la même âme charmante,
Vague et sans but est le souci qui nous tourmente,
Mon chagrin, sois-en sûr, est un chagrin ailé,
Il aime à s’envoler vers le ciel étoile. »

V


C’est la nuit merveilleuse aux mille enchantemens,
La nuit qui met un charme aux lèvres des amans,
La nuit qui doucement se fleurit d’allégresse,
La nuit de Mai, la nuit d’éternelle tendresse :
On ne sait quoi s’éveille au milieu des roseaux ;
Sous les chênes trapus où dorment les oiseaux ;
Une plainte idéale erre de branche en branche ;
Une apparition surgit, oh ! toute blanche,
Avec, autour du front, des feuilles et des fleurs.
Et c’est l’amour en joie et c’est l’amour en pleurs.
O belle ! vois ma peine et combien elle est grande,
Pourquoi me refuser ton cœur ? Je le demande.

VI


C’est la nuit folle avec un loup sur la figure,
La nuit d’heureux présage et de joyeux augure,
La nuit où, sans témoins, on pourra s’embrasser,
La nuit qui ne demande après tout qu’à danser.
 — Veux-tu mon cœur ? Voici le mien. — Et tout s’embrase.
Le trouble qui s’éveille est pareil à l’extase,
Le rire qui s’égrène est voisin du sanglot,
Et les barques d’amour glissent au fil de l’eau.