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n’en furent pas moins condamnés à être vendus aux enchères.

« La Case de l’Oncle Tom fut publiée en volume le 20 mars 1852. Les doutes de l’auteur sur le résultat de son cri d’appel ne tardèrent pas à se dissiper. Dix mille exemplaires se vendirent en quelques jours, trois cent mille en moins d’une année. On lut le livre partout, et de tous les coins des États-Unis, l’auteur reçut des témoignages d’ardente sympathie. L’indignation, la pitié, la détresse, qui longtemps avaient pesé sur son âme, semblaient passer tout entières dans l’âme de ses lecteurs...

« Dieu tout-puissant avait dès lors décrété la libération de la race opprimée. Et bien que les Présidens, les Sénateurs et les Représentans se fussent accordés à déclarer qu’ils y étaient opposés, de grands signes contraignirent la nation à entendre la voix qui lui disait, du haut des deux : Laisse mon peuple s’en aller en paix ! La Case de l’Oncle Tom, dans la ferveur qui l’a produite, dans la passion qu’elle a soulevée, n’était que le premier de ces signes, dont nous avons vu se succéder la miraculeuse série. Et maintenant la guerre est finie, l’esclavage n’est plus qu’un souvenir. La destinée de la Case de l’Oncle Tom est désormais accomplie. »


Voilà donc comment ce livre fameux a été « conçu. » La « source » où l’auteur l’a puisé, c’était son cœur même, un cœur qui, depuis quarante ans, s’armait d’enthousiasme et de foi, dans l’attente obstinée d’une grande action à remplir. Et voilà pourquoi, malgré l’insuffisance de ses « matériaux » et la médiocrité de sa « forme artistique, » Mme Beecher Stowe avait le droit de dire de lui que « c’était Dieu qui l’avait écrit ! »


T. DE WYZEWA.