et celui-ci, quand venait son tour, s’emparait du sujet au point de vue de la science, et traitait imperturbablement la question chimique.
Le mot de Balzac est donc rigoureusement juste, et le cabaret est bien le « parlement du peuple. » L’électeur, pour délibérer, a besoin d’un local, et le marchand de vins le lui fournit, comme l’État le fournit à l’élu. Pour le second, il est vrai, la buvette est l’accessoire, tandis qu’elle est le principal pour le premier, mais nous allons, là encore, retrouver une autre cause de l’influence du débitant. Il alimente la foule, et, en l’alimentant, lui crée un tempérament, ou modifie celui qu’elle a. La vie, les idées, les sentimens, la moralité d’un peuple physiquement sain ne sont pas ceux d’un peuple malsain, et le débitant, en contribuant à l’état cérébral de l’électeur, est aussi pour quelque chose dans ses sentimens, dans sa moralité et ses idées. La bonne ou mauvaise santé populaire dépend d’abord du fournisseur en gros, qui frelate ou ne frelate pas ses denrées, mais on doit également en demander compte au tenancier qui les débite, et le vote d’une population empoisonnée, ou perdue d’alcoolisme, ne ressemblera pas à celui de l’électeur sobre, ou purement alimenté. Ici, comme plus haut, et d’une certaine façon, le marchand de vins est donc bien le « grand électeur, » et peut même l’être aussi quand il arrive de province, qu’il retrouve des compatriotes, et les groupe autour de lui. Il est ainsi le centre d’un réseau. Et peut-être même encore, à l’occasion, exercera-t-il une sorte d’influence intime sur quelques-uns de ses cliens. M. Leyret, qui s’y connaît, voit en lui comme une façon de « confesseur, » et le marchand de vins, effectivement, semble tout destiné à recevoir les confidences, sinon à les garder. Ne fût-ce que pour obtenir de sa générosité un crédit auquel il résiste, on doit assez souvent se confesser à lui, lui conter ses peines, surtout ses espérances, et le voilà, pour la naïveté populaire, l’ami auquel on se confie, la conscience sur laquelle on se règle ! Mais ira-t-il, dans cette fonction, jusqu’à être un directeur de conscience électoral ? On risquerait de se tromper en l’affirmant, et c’est ici que son rôle de « grand électeur » commence à devenir vague. Use-t-il vraiment de son autorité morale pour dicter leur devoir politique à une certaine clientèle ? On peut en douter, et par une raison bien simple, c’est qu’en fait de politique, il n’en a sérieusement qu’une : l’intérêt de sa profession. S’il le voit en jeu, il agira, mais n’agira guère s’il ne l’y voit pas. Il est passionnément,