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MŒURS ÉLECTORALES

LE MARCHAND DE VINS


I

Malgré leur ensemble banal, les dernières élections semblent pourtant avoir offert des symptômes assez curieux, et même assez saisissans. Modérés et radicaux, conservateurs et révolutionnaires, sont à peu près revenus avec les mêmes forces, mais on n’en remarque pas moins, dans les masses votantes, des changemens de courans singuliers, et comme des orientations nouvelles. Le socialisme gagne, mais là où l’on ne connaît pas encore ses représentans ; il perd, en revanche, et considérablement, là où l’on a goûté de ses hommes. Dans une région industrielle, en plein « pays rouge », un marquis met en déroute un rhéteur collectiviste ; ailleurs, dans une ville du nord, sur un autre point manufacturier, un grand patron conservateur remplace un vieil émeutier. A Paris, dans un faubourg, une candidature royaliste réunit quatre mille voix ; une autre, simplement conservatrice, mais présentée et soutenue par un vicaire du quartier, en recueille presque autant dans un faubourg voisin. Et le vicaire n’avait cependant pas caché son jeu ! Il allait, en sortant de l’église, dans les réunions publiques, où la moitié de la salle l’applaudissait, pendant que l’autre l’injuriait. Il ne payait pas seulement de sa personne, mais de sa robe, et de son « caractère. »

Tout cela est-il l’indice d’une prochaine ou lointaine révolution dans l’âme populaire ? Est-ce le présage d’un baromètre dont