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A vrai dire, elle s’y employait depuis quelques années déjà, mais c’est en 1883 seulement que fut élevé le premier établissement de pisciculture marine, sur la proposition d’un homme fort expert dans la matière, M. G. M. Dannevig. Cet établissement se trouve à Flödevig, non loin de Bergen, et il est dû à l’initiative privée.

Sur les côtes de Norvège comme sur colles du nouveau monde, le poisson se faisait rare, et la morue disparaissait de façon évidente. La nombreuse population qui vivait de la pêche s’inquiétait de voir diminuer la source principale de sa richesse relative, et ses gains devenaient plus insuffisans que jamais.

M. Dannevig voulut remédier à cet état de choses, et corriger les défaillances de la nature, et, avec le concours financier de quelques personnes à qui il avait pu faire voir le côté utilitaire et patriotique de ses projets, il sut organiser une petite station dont le but était de s’assurer s’il est possible de produire, avec une dépense modérée, une grande quantité d’alevins des poissons les plus recherchés, de façon à remédier à l’excès de destruction d’œufs et de jeunes qui se fait normalement à l’état de nature. C’est de la morue que l’on s’occupa tout d’abord. Les premiers résultats furent médiocres, mais instructifs.

On vit bientôt quelle est l’importance de la question de l’eau. Il fut surabondamment démontré, à Flödevig comme à Gloucester et à Wood’s Holl, qu’il ne suffit nullement, pour réussir en pisciculture marine, de posséder des œufs fécondés qu’on mot tremper dans de l’eau de mer. Les variations de qualité de cette eau sont telles qu’il faut beaucoup de discernement et de pratique pour arriver à se procurer celle qui convient. La plupart des poissons de grande industrie sont des poissons du large, qui ne viennent sur les côtes qu’en passant dans de rapides excursions. Leurs œufs sont pondus à distance du rivage, et ce sont des œufs flottans, des œufs qui restent à la surface au lieu de plonger au fond.

Ils ont bien des ennemis, toutefois, et l’un d’eux est l’eau côtière. L’eau des côtes diffère très sensiblement de l’eau du large, et c’est à cette différence que sont dus beaucoup de mécomptes. Comparez, en traversant l’Atlantique, ces plaines d’un bleu si pur, si profond, qu’on ne trouve guère qu’à vingt-quatre heures de distance, à ces eaux verdâtres ou grises, qui avoisinent le rivage, et tiennent en suspension tant de poussières