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par les études topographiques détaillées commencées depuis un an. Tel qu’il est, il rend déjà compte des principaux obstacles à vaincre. La Mandchourie chinoise se compose des deux bassins du Soungari, le grand affluent de l’Amour qui joint ce fleuve entre Blagoviechtchensk et Khabarovsk, et du Liao-ho qui se jette au port ouvert de Newchwang dans le golfe du Petchili ; entre ces deux bassins se trouve une zone de steppes sans eau, large de 200 kilomètres, prolongement oriental du grand désert de Gobi, mais aucune hauteur importante. Au contraire, à l’est, au nord et au nord-ouest de la Mandchourie, se dressent d’épais massifs montagneux qui séparent les vallées de l’Amour et de ses tributaires, l’Argoun et l’Oussouri, de la grande plaine intérieure, basse et marécageuse, qu’arrosent le Soungari et les rivières secondaires qui s’y réunissent.

La nouvelle ligne de chemin de fer doit donc traverser d’abord pendant 600 verstes, en parlant d’Onon, les hautes chaînes confuses qui couvrent tout le sud de la Transbaïkalie, s’élever ainsi à plusieurs reprises au-dessus de I 000 mètres, redescendre à 550 dans la vallée de l’Argoun, rentrer pour 200 verstes dans une région montagneuse inhabitée, entièrement inexploré(v avant larrivée des missions d’ingénieurs, et où la cote de 1 000 mètres devra être de nouveau dépassée, parcourir ensuite sur plus de 500 verstes, en se tenant constamment entre 100 et 200 mètres d’altitude, la plaine du Soungari, s’élever enfin de nouveau à plus de 600 mètres pour franchir des crêtes successives séparées par d’assez profondes vallées, et retomber, à Nikolsk, à 40 mètres au-dessus du niveau de la mer. Quoique plus abruptes et nécessitant plus de travaux d’art qu’en Sibérie, les montagnes ne constituent pas le principal obstacle à l’exécution du Mandchourien. La difficulté la plus redoutable vient encore ici du manque de consistance des terrains dans les régions basses. Au dire des voyageurs qui l’ont traversée, — et j’ai rencontré en Sibérie plusieurs de nos compatriotes qui avaient fait ce voyage, — toute la plaine du Soungari n’est en été et au début de l’automne qu’un immense lac de boue ; cependant, ajoutent certains explorateurs, on trouve à trois ou quatre pieds au-dessous de la surface un gravier résistant qui permettrait, non sans grandes dépenses, de donner une assiette solide à la voie.

Dans ces conditions, il se trouve des pessimistes pour dire que la ligne de Mandchourie devrait être abandonnée et qu’il faudrait