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sur les neuf dixièmes de celle de Transbaïkalie. D’assez nombreux ponts restent à construire : celui de l’Iénisséi qui devra être terminé cette année, constitue encore une lacune au milieu de la section Obi-Irkoutsk : on en est quitte pour passer le fleuve en bac et reprendre le train de l’autre côté. Les Russes sont assurés en tout cas de pouvoir disposer de la voie mixte, ferrée et fluviale, au plus tard en 1900. En Mandchourie, où tout est à faire, il n’est que naturel de prévoir un plus long délai.


III

Les méthodes de construction du Transsibérien ont été tantôt comblées d’éloges et tantôt sévèrement critiquées. Les uns ont traité de tour de force ce record du monde en matière de chemin de fer ; d’autres ont déclaré qu’une fois terminé, il serait tout entier à refaire. Au total les admirateurs se trouvent plus nombreux que les détracteurs et ce paraît être justice. Il convient toutefois de faire un juste départ, et, si l’on doit louer sans réserve le plan général de construction, on est en droit de critiquer certains détails d’exécution et les gaspillages financiers auxquels ils ont donné lieu. Alexandre III et ses conseillers, les membres du Comité du chemin de fer de Sibérie, M. de Witte, ministre des finances, M. le prince Hilkof, ministre des voies et communications en tête, avaient posé les règles générales d’une organisation excellente, et ont su tenir la main à ce qu’elles fussent suivies ; mais une grande latitude devait naturellement être laissée aux agens d’exécution pour les questions secondaires, et il semble qu’ils en aient parfois abusé, qu’ils n’aient pas toujours fait preuve d’une absolue conscience ni d’une compétence égale à la hauteur de leur tâche.

La principale difficulté à vaincre dans le Transsibérien, — et elle frappait beaucoup au premier abord, — c’était sa longueur. Tandis que les Américains n’avaient que 3 000 kilomètres à franchir pour pousser leurs chemins de fer du Mississipi au Pacifique, les Russes en ont plus de 6 000, trente ans plus tard, pour atteindre le même Océan en partant de l’Oural. Mais, d’autre part, les difficultés du terrain sont bien moindres : au lieu de s’élever à 2 000 mètres comme au passage des Montagnes Rocheuses, on n’atteint qu’une cote maximum de 1 100 mètres, en Transbaïkalie, dans les monts Yablonovoï ou « des Pommiers. » Ce sont leurs croupes arrondies qui leur ont valu ce nom, et