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étant de trois chevaux et les relais de 25 verstes en moyenne, les frais reviennent pour cette distance à deux roubles et demi (7 fr. 67) environ, y compris le pourboire habituel de 20 à 25 kopecks au cocher : c’est un prix remarquablement faible pour un service de poste.

Les mêmes tarifs s’appliquent au traînage en hiver, mais dans les saisons intermédiaires, du 15 mars au 15 mai et du 15 septembre au 1er décembre, alors que le dégel défonce les routes ou que le régime d’hiver n’est pas encore bien établi, le nombre des chevaux est porté à quatre, et les frais s’augmentent ainsi d’un quart. Lorsqu’un tarantass contient plus de deux personnes, porte une quantité exceptionnelle de bagages ou est de dimensions plus considérables que d’ordinaire, on se reporte à un tableau affiché dans les maisons de poste pour savoir quel est le nombre d’animaux de renfort qu’on doit ajouter : pour les plus grandes voitures, on prévoit ainsi jusqu’à huit chevaux en été ou en hiver et neuf en automne et au printemps. En outre, si le maître de poste le juge utile, il peut, pour ménager ses attelages dépasser le chiffre de chevaux réglementaires ; mais, sans percevoir de rétribution pour ceux qui sont en excédent.

Combien peut-on faire de chemin chaque jour en cet équipage ? je m’en étais informé auprès de plusieurs Sibériens et j’avais obtenu les réponses les plus diverses : « J’ai parcouru jusqu’à 400 verstes en vingt-quatre heures, » me disait un haut fonctionnaire de Tomsk. — « Ne comptez pas faire plus de soixante-quinze ou quatre-vingts verstes en moyenne, » me répondait le chef de gare qui m’avait vendu mon véhicule, et c’est sur ce triste pronostic que je me mis en route. Le médecin Tant-Pis exagérait heureusement, comme exagérait dans l’autre sens le médecin Tant-Mieux, que j’avais consulté d’abord. L’un négligeait de me dire qu’il avait voyagé comme courrier impérial, en hiver, sur une neige unie et dure, tous les maîtres de poste prévenus par télégraphe et tenant les chevaux prêts à être attelés dès son arrivée aux relais ; l’autre était plus près de la vérité : le train qu’il m’indiquait est bien celui dont marchent les personnes qui n’ont pas quelque laissez-passer spécial ou quoique caractère officiel, et c’est ici qu’éclate l’utilité des papiers désignés sous le nom de podorojné, qui évitent les longues attentes dans les maisons de poste. Ils sont de deux sortes : le podorojné de Sa.Majesté, avec lequel voyagent les courriers impériaux et quelques rares très