Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

points, cette brigade ne put tenir. L’ennemi la refoula hors de Plancenoit, où il s’établit et se retrancha. Sur son front, Bülow canonnait les trois autres brigades de Lobau avec huit batteries dont les boulets allaient parfois tomber sur la route de Bruxelles, au milieu des bataillons de la garde et de L’État-major même de l’Empereur.

Au moment où son infanterie abordait Plancenoit, Blücher avait reçu un aide de camp de Thielmann. Le commandant du IIIe corps annonçait qu’il était attaqué à Wavres par des forces supérieures (c’étaient les 34 000 hommes de Grouchy) et qu’il doutait de pouvoir résister : « — Que le général Thielmann se défende comme il pourra, dit Gneisenau. Il n’importe qu’il soit écrasé à Wavres si nous avons la victoire ici. »

L’ennemi maître de Plancenoit, Napoléon était débordé et sa ligne de retraite menacée. Il ordonna à Duhesme, commandant la division de la jeune garde, de reprendre ce village. Les huit bataillons, quatre de voltigeurs, quatre de tirailleurs, s’élancèrent au pas de charge. Les Prussiens furent délogés des maisons et du cimetière dont ils avaient fait un réduit.


IV

Les Anglais tenaient toujours. Quand la grosse cavalerie de Kellermann et de Guyot avait débouché dans le vallon, entre cinq heures et cinq heures et demie, les cuirassiers de Milhaud, repoussés de nouveau par les dragons anglais, dévalaient au bas des rampes. Vite reformés, ils suivirent à la charge ces trois divisions fraîches. Cuirassiers de Lhéritier, de Delorl, de Vathier, de Roussel d’Hurbal, chasseurs et lanciers de Lefebvre-Desnoëttes, dragons et grenadiers à cheval de Guyot, plus de soixante escadrons gravissent le plateau. Dans l’état-major ennemi, on s’étonne que l’on engage sept ou huit mille cavaliers, sur un front où mille tout au plus pouvaient se déployer. Ils couvrent tout l’espace entre Hougoumont et la Haie-Sainte. Leurs files se resserrent tellement dans la course que des chevaux sont soulevés par la pression. Cette masse de cuirasses, de casques et de sabres ondule sur le terrain houleux. Les Anglais croient voir monter une mer d’acier.

L’ennemi renouvelle la manœuvre qui deux fois déjà lui a réussi. Après avoir mitraillé la cavalerie, les canonniers abandonnent