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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet.


Le Parlement est en vacances, et le pays y serait pareillement, il pourrait se reposer un peu des agitations de la période électorale et des émotions du lendemain, si le mauvais génie qui règle nos destinées n’avait une fois de plus ressuscité l’affaire Dreyfus, et, de nouveau, n’en avait fait retentir la tribune et rempli les journaux. On en était déjà terriblement fatigué ! La répétition des mêmes scènes, accompagnées des mêmes effets, et jamais suivies du moindre résultat, avait conduit à la lassitude générale. On éprouve donc une obsession pénible à la voir de nouveau revenir, et on aurait sans doute une véritable reconnaissance au gouvernement qui parviendrait à nous en délivrer. Malheureusement tout porte à croire que ce ne sera pas le gouvernement d’aujourd’hui. À notre avis, M. Méline et M. le général Billot étaient plus près d’atteindre le but que M. Brisson et M. Cavaignac. L’attitude qu’ils avaient prise était, quoi qu’on en ait dit, parfaitement correcte ; et il eût sans doute suffi de s’y tenir pendant quelques mois pour qu’elle produisît toutes ses conséquences. Peu à peu, le temps aurait exercé son action pacificatrice, et le calme serait rentré dans les esprits. Mais nous n’en sommes plus là !

M. Méline avait dit, à maintes reprises, qu’il n’y avait pas d’affaire Dreyfus, et que c’était mal poser la question actuellement pendante que de la rattacher au condamné de l’île du Diable. La question Dreyfus a été vidée définitivement par deux conseils de guerre, le second ayant confirmé l’arrêt du premier. Dès lors, il y avait chose jugée. Nous savons bien que la justice humaine, qu’elle soit militaire ou civile, est sujette à l’erreur, et que la chose jugée elle-même peut être révisée ; mais elle ne peut l’être que dans des conditions précises, et dans un très petit nombre de cas, que la loi a déterminés avec infiniment de soin. Si un de ces cas s’était présenté, les défenseurs de Dreyfus auraient été en droit d’en invoquer le bénéfice ; mais aucun no s’est produit. Ils ont essayé d’en faire naître un par la dénonciation du commandant