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Et la patricienne Æmilia découvrirait avec étonnement et vénération la sainteté de son esclave ; et, comme autrefois Blandine aidait Æmilia à sa toilette et lui parfumait ses cheveux, Æmilia à son tour servirait Blandine dans la prison, lui rendrait les offices qu’on se doit entre martyres, laverait ses plaies avec l’eau de la cruche et essayerait de démêler sa maigre chevelure raide de sang coagulé. Et ainsi Blandine deviendrait le centre du drame, ce qu’elle n’est pas dans la pièce de M. Barbier où l’intérêt, si je ne m’abuse, se disperse un peu, et où plusieurs des autres personnages, beaucoup moins singuliers et significatifs que Blandine, occupent une aussi grande place que l’humble et sublime servante.


Mais il est temps d’arriver à l’Incendie de Rome. Là aussi nous retrouvons d’abord les élémens habituels d’une tragédie chrétienne. Il y a une Leuconoé patricienne, amoureuse d’un esclave chrétien : c’est Marcia, femme du préfet de Rome. (Oh ! que voilà une aventure qui a dû être rare dans la réalité !) Il y a l’épicurien sceptique, et c’est Pétrone. Il y a le généreux esclave notre ancêtre, et c’est ici « Faustus, esclave germain », etc. Une déplorable « couleur locale » ne cesse d’égayer la pièce. Dès la première page, il est question de loirs assaisonnés de miel et de pavots, d’œufs de paon de Samos, de gélinottes de Phrygie, enveloppées dans des jaunes d’œufs poivrés ; etc. Sous prétexte qu’ils sont lointains, les personnages s’expriment avec une noblesse soutenue. Voici la première phrase du chef des cuisines : « Jamais festin plus somptueux n’aura été servi dans le triclinium du préfet de Rome, Pedanius Secundus » ; et l’intendant Priscus, à peine entré, interpelle les esclaves en ces termes choisis : « Approchez, Égyptiens, et vous Éthiopiens, plus noirs que Pluton, dieu des enfers... A mesure que les convives apparaîtront dans l’atrium, précipitez-vous à leurs pieds ; que rien ne manque à leurs ablutions. Quant à vous, femmes, répandez vos cheveux sur vos épaules, afin que, les amis de Pedanius puissent, s’ils le désirent, essuyer leurs mains. » — Les auteurs ont voulu nous mettre sous les yeux la vie élégante sous Néron, et la vie néronienne elle-même. C’était une entreprise difficile. Quand ils ont fait dire à Néron qui veut séduire Marcia : « Oh ! veux-tu ? à nous deux nous imaginerons, nous vivrons une vie affinée, grandiose, non vécue jusqu’ici... Elle ne t’attire donc pas, cette existence surhumaine ? Oh ! songes-y : pouvoir tout ce que tu veux ! » et encore : « J’avais fait pour toi un beau rêve : j’aurais réalisé pour toi toutes les jouissances que peut imaginer un artiste tout-puissant ; j’aurais accumulé