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UNE
CORRESPONDANCE SECRÈTE
PENDANT LA RÉVOLUTION

Louis Sifferin de Salamon était né à Carpentras, le 22 octobre 1759. A vingt ans, il fut reçu docteur en théologie. Pie VI lui voulait du bien, et deux ans plus tard, quoiqu’il n’eût pas l’âge requis, il était auditeur de rote et doyen du chapitre d’Avignon. Bien que sujets du pape, les habitans du Comtat-Venaissin avaient comme les Français de France le droit d’exercer toutes les charges du royaume. Une place de conseiller-clerc au Parlement de Paris vint à vaquer ; l’abbé de Salamon l’acheta, et il prit part aux débats du fameux procès du Collier. Il s’était flatté de vivre et de mourir « sur les fleurs de lis ; » il n’avait pas prévu que les états généraux supprimeraient le Parlement. Après avoir siégé dans la Chambre des vacations établie pour remplir l’intérim, il changea d’emploi. Le nonce, Mgr Duguani, dont la situation était devenue fort difficile, reçut un jour dans son carrosse la tête d’un garde du corps ; il prit son poste en dégoût, se retira en Savoie, et toutes communications officielles entre le Vatican et la France se trouvèrent interrompues. Cependant le saint-siège éprouvait le besoin d’avoir à Paris un homme de confiance, un fondé de pouvoirs, qui s’occupât de ses affaires et le tint au courant. L’abbé de Salamon fut cet homme de confiance. Depuis quelque temps déjà il correspondait avec le cardinal de Zelada, secrétaire d’État du pape Pie VI. Il devint l’informateur officieux et l’agent secret du cabinet de Sa Sainteté.

Ce n’était pas un emploi sans danger. En juillet 1792, il fut arrêté,