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1er février 1895 ; l’Afrique méridionale, le Cap enfin se sont ralliées au système des fuseaux horaires. Si l’on considère que l’Angleterre depuis 1848, la Suède, depuis le 1er septembre 1879, jouissaient de ce régime et que la Russie occidentale, par un heureux hasard, était en accord avec lui à une minute près, on constatera, en fin de compte, que la France reste seule, avec l’Irlande, l’Espagne et le Portugal, en dehors de l’accord universel ; on comprendra l’étendue de notre isolement et l’urgence qu’il y a à le faire cesser.

Qu’attendons-nous davantage ? L’avènement d’un régime plus parfait ? L’application du système décimal à la mesure de l’heure et à celle des longitudes ? Mais il est à peu près certain que la décimalisation de l’heure aura pour base la division de la circonférence en 240 degrés, c’est-à-dire qu’elle laissera subsister les 24 fuseaux actuels comprenant à l’avenir 10 degrés au lieu de 15. L’heure n’éprouvera donc aucun changement, de ce fait ; et ses subdivisions pourront concorder avec le régime des fuseaux.

La résistance vient d’ailleurs. Le système des fuseaux exige comme point de départ un méridien initial qui serve d’axe au fuseau fondamental et qui règle le temps universel. En théorie, ce méridien peut être quelconque ; ce pourrait être celui de l’île de Fer, comme l’avait voulu Richelieu ; celui de Behring, comme l’a proposé M. Janssen, au Congrès de Washington ; celui de Jérusalem, comme le demandait l’Institut de Bologne ; enfin celui même de l’Observatoire de Paris. Il n’en a pas été ainsi. En fait, et par suite de la manière même dont les choses se sont successivement établies, c’est le méridien de Greenwich qui a servi de point de départ. Il y a maintenant possession d’état. Au lieu de promener par le monde un chronomètre en désaccord avec tous les autres, retardons-le de 9 minutes 21 secondes, comme le propose le projet soumis au Sénat ; cela suffira pour nous rallier au système des fuseaux, adopté par le monde entier, et nous faire bénéficier de ses avantages. On prétend que ce serait implicitement trancher en faveur de Greenwich la querelle relative au méridien initial et que cette solution est inacceptable. C’est là un point qui exigera un examen approfondi.


A. DASTRE.