Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolution diurne. Il est 9 heures du soir (21 heures) au Japon quand le soleil s’y lève ; il y est 3 heures du matin au moment de son passage au méridien. Il est difficile de se faire à ce langage. Sans doute, personne n’ignore que depuis la réforme de 1816, la culmination du soleil ne se fait nulle part à midi juste ; mais on sait aussi qu’il ne s’en faut pas de beaucoup. Du même, on sait que le lever du soleil n’est pas attaché à une heure déterminée, qu’à Paris, par exemple, il se produit à toutes les heures depuis 4 heures du matin à la fin de juin, jusqu’à 8 heures du matin (7 h. 56) à la fin de décembre ; mais on n’est pas habitué à l’idée qu’il puisse avoir lieu à 21 heures, c’est-à-dire à 9 heures du soir, — et cela surtout à cause de ce mot de soir, appliqué à un phénomène essentiellement matinal. La difficulté n’est que dans les mots ; elle n’en est que plus insurmontable pour la grande majorité du public.

L’adoption de l’heure universelle, si elle était possible, ferait disparaître, entre autres bizarreries, la classique correction du saut du jour que doivent opérer les navires au moment où ils traversent l’anti-méridien de Paris ou celui de Greenwich, c’est-à-dire la partie inférieure ou les antipodes de ces méridiens initiaux. Cette correction a pour but la conservation de la date. On se rappelle l’étonnement des compagnons de Magellan lorsque, achevant avec son lieutenant Sébastien del Cano le voyage de circumnavigation au cours duquel le grand navigateur trouva la mort, ils constatèrent, en revenant au point de départ, une différence de date d’un jour. Ils étaient partis en 1519 et avaient constamment fait voile à l’occident : l’un d’eux, Antoine Pigaffetta, gentilhomme de Vicence, avait écrit exactement le journal de l’expédition. En abordant à l’île Saint-Jacques du cap Vert, ils apprenaient, à leur grand ébahissement, et à la confusion de l’annaliste, que ce jour qu’ils dataient le mercredi 9 juillet 1522 était, en réalité, le jeudi 10 juillet. De telles discordances ne se produiraient plus. Elles sont évitées, grâce à une convention en usage dans toutes les marines, et que voici : Si le bateau traverse l’anti-méridien en marchant vers l’est, on fait, au moment du passage, rétrograder le nom du jour et le chiffre du quantième ; par exemple, si le passage a lieu le mardi 2 août à 3 heures de l’après-midi, le reste de la journée, sera noté lundi 1er août. — Si, au contraire, le passage s’effectue en naviguant à l’ouest, on avance brusquement la date ; on datera, mercredi 3 août. Grâce