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se maintint prédominante et que les rapports commerciaux et autres restèrent confinés dans un cercle étroit, au temps des diligences, avant le télégraphe, le téléphone, les chemins de fer, ce vice de l’heure locale fut à peine aperçu. Il devint sensible dès l’établissement des chemins de fer et intolérable après le développement des télégraphes et des téléphones. L’heure urbaine commune avait marqué, comme on l’a vu, un premier pas dans la voie des compromis : elle unifiait la mesure du temps de quartier à quartier, parce qu’alors les relations n’étaient fréquentes, étendues et rapides que d’un quartier à l’autre. L’heure nationale a marqué un second pas dans la voie des conventions horaires, lorsque le progrès des communications a fait des différentes provinces comme autant de quartiers d’une cité plus grande, le pays. Il restait un nouveau progrès à accomplir aujourd’hui que les divers pays sont, en ce qui concerne la fréquence et la rapidité des rapports, mieux reliés entre eux que jadis les provinces d’un même État ou les parties d’une même ville. Une dernière convention horaire était devenue nécessaire, qui établît sur toute la surface du globe un régime de coordination internationale de l’heure. C’est à ce besoin qu’a répondu le système des Fuseaux horaires. Le monde entier l’a adopté plus ou moins expressément. Trois États seulement, la France, l’Espagne et le Portugal sont restés en dehors de ce mouvement. La question qui s’agite aujourd’hui est de savoir si la France doit persister dans son isolement.


V. — LA COORDINATION INTERNATIONALE. — L’HEURE UNIVERSELLE

L’unification nationale du temps qui a été réalisée en France en 1891 et qui a imposé partout l’heure de Paris faisait disparaître l’inconvénient de la diversité des heures locales à l’intérieur de notre pays. Elle la laissait subsister pour les relations avec le dehors. Au moment où l’on franchit la frontière, l’heure subit un saut brusque. Avant l’adoption, par nos voisins, du régime des fuseaux, ce saut d’heure variait suivant que l’on passait dans un État ou un autre. Traversait-on la Manche, il fallait retarder de y minutes 21 secondes ; si l’on allait à Bruxelles, il fallait avancer de 8 minutes 6 secondes, et de 13 minutes (i secondes, s’il s’agissait de l’heure des chemins de fer ; si l’on traversait l’Alsace, le coup de pouce donné aux aiguilles devait être (entre 1891 et 1893) de 23 à 27 minutes. C’était dans chaque direction nouvelle