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de 82 millions, de façon à en limiter l’existence totale à 300 millions de dollars ; mais une loi du 31 mai 1878 arrêta ce retrait, alors que le chiffre en circulation n’était encore descendu qu’à 346 millions de dollars : il n’a pas varié depuis vingt ans.

Le 17 décembre 1878, pour la première fois depuis 1861, la prime sur l’or disparut ; mais, dès le commencement de l’année suivante, de vives inquiétudes se firent jour sur la possibilité de maintenir ce métal au pair, et d’empêcher qu’il ne fût exporté. La récolte de 1879, excellente en Amérique et déplorable en Europe, vint modifier cet état de choses ; des expéditions considérables de blé et de maïs rendirent les États-Unis créanciers de Londres et de Paris ; un afflux d’or, qui atteignit 60 millions de dollars en trois mois, provoqua chez eux une vive reprise d’affaires ; la réserve du Trésor, que celui-ci doit toujours conserver pour faire face aux demandes de remboursement de ses billets, s’éleva, entre juin et novembre, de 119 à 157 millions ; le fer, le coton montèrent ; les constructions de nouvelles lignes de chemins de fer prirent un développement inouï : les élections de 1880 donnèrent une majorité au président Garfield, candidat du parti républicain, qui avait été l’instigateur de la reprise des paiemens en espèces : le suffrage populaire, sous l’influence de la prospérité commerciale et industrielle, approuvait maintenant la politique financière que, peu de temps auparavant, il accusait de tous ses maux.

Mais une nouvelle dépression suivit l’assassinat du président Garfield, en juillet 1881 ; la récolte fut médiocre, les exportations diminuèrent et ne dépassèrent les importations que de 26 millions, pour l’année financière allant du 1er juillet 1881 au 30 juin 1882 ; l’or quitta de nouveau le pays. Cependant les recettes du Trésor avaient atteint un niveau extraordinaire ; l’excédent des revenus sur les dépenses était de 145 millions de dollars. D’autre part, la dette des États-Unis avait été ramenée, par les énormes amortissemens pratiqués durant les dix années précédentes, à un milliard et demi de dollars, dont un tiers seulement pouvait être remboursé à tout moment, les deux autres tiers devant continuer à porter intérêt jusqu’à l’échéance fixée lors de l’émission[1]. La

  1. Les États-Unis ne pratiquent guère l’émission de rentes perpétuelles. Avec une sagesse louable, ils assignent presque toujours à l’emprunt qu’ils contractent une durée très courte et s’engagent à le rembourser à jour fixe. Une combinaison, à laquelle ils ont eu fréquemment recours autrefois, est celle qui consiste à promettre au rentier de lui restituer son capital au plus tard une certaine année, on s’engageant à ne pas le faire avant une autre date. L’écart entre ces deux échéances était généralement de quinze ans, ce qui faisait désigner les titres de ces emprunts du nom de cinq-vingt (5/20), parce qu’ils pouvaient être remboursés au plus tôt cinq ans après l’émission et devaient l’être au plus tard vingt ans après. Le dernier emprunt de 200 millions en 3 p. 100 au pair émis, en juin 1898. a été stipulé remboursable à partir de 1908, à la volonté du Trésor fédéral, mais doit l’être au plus tard le 1er août 1918 ; c’est donc un 10/20.