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des chemins de fer américains avait doublé. La surface ensemencée en céréales avait passé de 64 millions d’acres en 1867 à 100 millions en 1878. Cette énorme augmentation avait naturellement été accompagnée d’une chute de prix, que la réduction des frais de transport contribuait encore à hâter. C’est alors seulement que naît aux États-Unis la question de l’argent : les agriculteurs, effrayés de la baisse du blé, s’imaginent qu’elle est due à une insuffisance de monnaie, et demandent à en augmenter le volume, soit sous forme de billets, soit au moyen de la frappe de pièces d’argent : c’est de cette époque que date la suspension du rachat des billets émis pendant la guerre civile (greenbacks) et la première loi ordonnant l’achat par le Trésor et la frappe mensuelle d’au moins 2 millions de dollars d’argent (Bland bill de 1878). Les représentans des États miniers de l’Ouest, où la production d’argent annuelle passa de 1 million de dollars en 1861 à 45 millions en 1878, avaient usé de toute leur influence pour obtenir cette nouvelle législation, contraire à la politique américaine suivie jusque-là en matière monétaire, puisque le pays n’avait pas frappé plus de 8 millions d’argent depuis le commencement du siècle. C’est en 1880 que le Message présidentiel fait pour la première fois mention de l’intérêt que les États-Unis, « le plus grand producteur d’argent du monde, ont à maintenir ce métal comme étalon. » Quant aux greenbacks, le chiffre, qui en atteignait 450 millions de dollars en 1866, avait été réduit à 315 millions en 1869, mais relevé à 346 millions en 1872, à 370 en 1874 et finalement à 382 millions. Le régime du papier-monnaie à cours forcé, inauguré pendant la guerre, subsistait toujours : il avait eu pour conséquence une prime sur l’or, qui s’était élevée un moment jusqu’à 100 pour 100.

De 1872 à 1878, une véritable révolution avait eu lieu dans le mouvement commercial des États-Unis. En la première de ces deux années, les importations de marchandises dépassaient les exportations de 182 millions de dollars ; en 1878, ces dernières étaient de 258 millions plus fortes : la balance du commerce s’était, en six ans, déplacée de 440 millions ; aussi les meilleures conditions semblaient-elles réunies pour assurer le succès de la loi de reprise des paiemens en espèces, votée le 7 janvier 1875, et qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1879 : elle ordonnait le libre monnayage de l’or, l’échange à bureau ouvert des billets d’État contre le métal, et le retrait définitif de greenbacks jusqu’à concurrence