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III

LA BULLE



Bathylle, dans la cour où glousse la volaille,
Sur l’écuelle penché, souffle dans une paille.
L’eau savonneuse mousse et bouillonne à grand bruit,
Et déborde. L’enfant qui s’épuise sans fruit
Sent venir à sa bouche une âcreté saline.
Plus heureuse, une bulle à la fin se dessine
Et, conduite avec art, s’allonge, se distend.
Et s’arrondit enfin comme un globe éclatant.
L’enfant souffle toujours ; elle s’accroît encore ;
Elle a les cent couleurs du prisme et de l’aurore.
Et reflète aux parois de son frêle cristal
Les arbres, la maison, la route, le cheval...
Prête à se détacher, merveilleuse, elle brille !
L’enfant retient son souffle, et voici qu’elle oscille
Et monte doucement, vert pâle et rose clair,
Comme un frêle prodige étincelant dans l’air !
Elle monte... Et soudain, l’âme encore éblouie,
Bathylle cherche en vain sa gloire évanouie...


IV

NYZA CHANTE



La famille nombreuse, et par les dieux comblée,
Tout autour de la table est encor rassemblée :
Alcyone au long col, Lydie aux seins naissans ;
Nyza dont la voix triste u d’étranges accens ;
Myrte agile et robuste, Ixéne douce et blanche.
La mère aux lourds bandeaux sur les petits se penche.
Myrte rit aux éclats ; Ixène jette un cri ;
Et le père accoudé sur la table sourit...
Le jour fut accablant ; par la fenêtre ouverte
Un peu de brise vient de la route déserte...
La campagne s’endort dans l’or des soirs d’été,
Et le mystère monte avec l’obscurité.