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de faire écrire à Grouchy pour l’informer qu’une colonne prussienne avait passé à Géry, se dirigeant vers, Wavres, et pour lui ordonner de marcher au plus vite sur ce point, en poussant l’ennemi devant lui[1].

Quelques instans plus tard, l’Empereur fit donner l’ordre au colonel Marbot de prendre position derrière Frischermont avec le 7e hussards et d’envoyer des petits postes à Lasnes, à Couture et aux ponts de Mousty et d’Ottignies. Faut-il en inférer que Napoléon eut soudain l’intuition du mouvement qui allait être proposé par Gérard à Grouchy, et pensa qu’avant de recevoir sa dépêche, Grouchy, au lieu de suivre les Prussiens à Wavres, passerait la Dyle à Mousty pour se porter sur leur flanc gauche ? Faut-il croire plus simplement que, dans l’esprit de l’Empereur, ces petits postes devaient avoir pour seul objet d’éclairer la droite de l’armée et de lier les communications avec le corps de Grouchy en assurant le passage des estafettes[2] ?

  1. « L’Empereur a reçu votre dernier rapport, daté de Gembloux. Vous ne parlez à Sa Majesté que de deux colonnes prussiennes qui ont passé à Sauvenières et Sart-à-Walhain. Cependant des rapports disent qu’une troisième colonne, qui était assez forte, a passé à Géry et Gentinnes, se dirigeant sur Wavres. Sa Majesté va faire attaquer en ce moment l’armée anglaise, qui a pris position à Waterloo près de la forêt de Soignes. Ainsi Sa Majesté désire que vous dirigiez vos mouvemens sur Wavres, afin de vous rapprocher de nous, vous mettre en rapport d’opérations et lier les communications, poussant devant vous les corps de l’armée prussienne qui ont pris cette direction et qui auraient pu s’arrêter à Wavres, où vous devez arriver le plus tôt possible. Vous ferez suivre les colonnes ennemies qui ont pris sur votre droite par quelques corps légers, afin d’observer leurs mouvemens et de ramasser leurs traînards. Instruisez-moi immédiatement de vos dispositions et de votre marche, ainsi que des nouvelles que vous avez sur les ennemis, et ne négligez pas de lier vos communications avec nous ; l’Empereur désire avoir très souvent de vos nouvelles. »
    On s’est efforcé de lire dans cette lettre ce qui n’y est pas, c’est-à-dire l’ordre à Grouchy de manœuvrer par sa gauche pour se rapprocher du gros de l’armée impériale. Il n’y a pas un mot de cela. L’Empereur dit bien : « Afin de vous rapprocher de nous. « Mais il est évident qu’en se portant de Gembloux à Wavres. Grouchy se rapprochera de l’Empereur. Si même on veut admettre que l’Empereur entend que Grouchy devra se rapprocher plus encore, il ne devra le faire qu’après avoir atteint Wavres, soit assez tard dans la journée. Quant aux expressions en rapport d’opérations et lier les communications, elles ne signifient nullement que Grouchy doit venir appuyer la droite de l’Empereur. A Wavres, combattant ou poussant les Prussiens et placé à peu près parallèlement à Napoléon, qui combat les Anglais, Grouchy est avec lui en rapport d’opérations ; et, par l’envoi de nombreuses patrouilles et l’établissement de petits postes pour assurer le service des estafettes, il lie ses communications. D’après cet ordre, il est manifeste que l’Empereur, à 10 heures du matin, n’appelait pas Grouchy sur son champ de bataille et ne comptait pas l’y voir arriver.
  2. On remarquera que, même si l’Empereur prévoyait l’arrivée de Grouchy par Mousty. il n’y a pas contradiction entre l’ordre à Grouchy et l’ordre à Marbot. Tout en prescrivant au maréchal de se porter à Wavres, Napoléon, admettant la supposition que Grouchy, avant de recevoir ces dernières instructions, aurait marché par sa gauche, envoyait des partis pour le rencontrer vers la Dyle.