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traditions austères de l’Évangélicisme calviniste que professait sa mère, trouva à Oxford la Haute Eglise en possession du terrain ; il s’ouvrit à une conception nouvelle, beaucoup plus strictement ecclésiastique, beaucoup moins individualiste et protestante, beaucoup plus dogmatique et plus rapprochée du catholicisme, mais aussi éloignée de Rome que de Genève et sans le moindre alliage de ces principes dont les Tractariens allaient faire un si grand usage. Dans l’Oxford de 1828 à 1831, il prit le pli anglican, le tour d’esprit ecclésiologique, le goût de la méthode d’autorité, la haine et la terreur de l’individualisme protestant, la doctrine des établissemens religieux d’Etat. Chacun de ces concepts eut son rôle à son heure dans sa vie intellectuelle et morale ; mais pas un d’eux ne fit dévier vers le catholicisme sa raison et sa conscience.

A l’Université d’ailleurs, Gladstone ne s’adonna pas seulement à ces spéculations théologico-ecclésiastiques. Il conquit sa first-class, avec aisance. Il prit une part très active aux débats de l’Union, qui est comme la conférence Molé-Tocqueville d’Oxford. Ces années lui laissèrent un radieux souvenir. L’étude, l’amitié, les délicieux essais d’une force qui commence à prendre conscience d’elle-même, les remplirent, sans qu’aucun excès vînt en troubler le cours paisible. En fait de mœurs Gladstone était un puritain et il n’admettait pas le contraste, cher à un certain dilettantisme, « entre la contemplation de l’idéal ou de la vertu et la pratique du vice. » Sa vocation n’était point encore dessinée nettement. Il songea à entrer dans les ordres. C’était le temps où Manning rêvait d’une carrière parlementaire. L’imagination s’amuse à évoquer le tableau du destin de ces deux hommes, de la fortune du pays et de celle des deux églises rivales, si les circonstances ne s’étaient pas opposées à ces vœux. Sir John Gladstone n’entendait pas raillerie. Son fils dut entrer au Parlement, — le premier représentant du peuple, peut-être, qui le soit devenu en petit garçon, par obéissance filiale. Il alla passer quelques mois en Italie, et revint se faire élire à Newark, bourg de poche du duc de Newcastle.

A vingt-deux ans, il entrait dans la vie publique. Il prit place dans la première Chambre des Communes élue sous l’empire de la nouvelle loi électorale. Pour la première fois, le nouveau suffrage avait fonctionné. C’était une révolution. Beaucoup de bons esprits estimaient que c’en était fait de la vieille Angleterre ; que