cette iniquité sanglante n’ont pas été désapprouvés par les agens de la Porte, qu’aucun châtiment ne leur a été infligé, que les victimes, livrées à la misère la plus noire après la plus atroce persécution, n’ont reçu aucune assistance, n’ont obtenu aucune réparation. Et nous savons aujourd’hui, à ne plus pouvoir en douter, que Abd-ul-Hamid, durant cette longue et sanglante période, tenait entre ses propres mains les rênes du gouvernement de son empire ; qu’il avait dépossédé la Porte de toute action directe sur les fonctionnaires ; que tous les ordres, les instructions essentielles partaient de son palais ; — nous avons vu qu’il a couvert de son autorité souveraine les agens le plus notoirement compromis ; qu’il a maintenu à son poste pendant plus d’un an, en dépit des plus pressantes insistances des ambassadeurs, Aniz-Pacha, ce gouverneur de Diarbekir, le véritable instigateur de tous les crimes qui ont souillé cette ville et la province dont il avait l’administration et la garde ; — nous avons constaté qu’il a employé, tour à tour, la ruse et la séduction pour soustraire à un châtiment mérité ce colonel, meurtrier du Père Salvatore, qui lui avait confié sa vie et celle des fidèles qui l’accompagnaient. En Crète, son action personnelle s’est manifestée par d’autres procédés, mais inspirés par le même besoin de ruser avec l’Europe. Pour convaincre les puissances de sa haute et paternelle impartialité, il en confiait le gouvernement à un chrétien, mais il prenait soin de lui rendre la tâche impossible ; il se prêtait, avec les ambassadeurs, à des arrangemens qui. loyalement mis en pratique, eussent peut-être contribué au rétablissement de l’ordre et de la concorde, s’en remettant à des agens réfractaires à toute réconciliation, pour stimuler le fanatisme des musulmans, en leur distribuant des armes et des approvisionnemens. Quel expédient employait-il, ce souverain qui se prétendait animé des plus louables intentions ? Une incurable duplicité, mise au service d’une indomptable obstination. Aux persévérantes remontrances des ambassadeurs il répondait par des promesses, toujours fallacieuses, en les accompagnant d’une bonne grâce, d’une aménité, qui les aurait désarmés, s’ils n’eussent été vigilans et bien informés ; nous avons retenu plusieurs de ces procédés, indignes d’un prince, nous aurions pu les multiplier. Aucun homme d’État, aucun ambassadeur n’en a été la dupe à aucun moment. Nous avons dit les admonestations invraisemblables que M. Hanotaux a dû infliger à l’ambassadeur de Turquie à Paris ; nous avons relevé la défiance toujours éveillée
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