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Monastir, sont aujourd’hui entre les mains de sociétés exclusivement allemandes, munies en outre de privilèges exceptionnels qui leur permettent d’organiser des colonies germaniques sur les principaux points de concentration. Ainsi s’est établie la prépondérance exclusive dont l’Allemagne est aujourd’hui en pleine possession sur les rives du Bosphore. Un si bon client, si besogneux qu’il soit, mérite d’être appuyé et défendu au besoin, d’autant plus que, dans sa détresse, il lui reste une armée, composée de vaillans et solides soldats, désormais entre les mains d’officiers allemands, armée qui peut faire, grâce à sa discipline et à sa sobriété, bonne figure sur un autre théâtre que la Thessalie. A l’intérêt économique se joignait donc l’intérêt politique, et l’on ne peut être surpris si l’Allemagne, pour conserver la position acquise, se montra peu disposée à sacrifier aux Arméniens et aux Grecs l’ami fidèle et dévoué.

À ces indications, que nous soumettons au jugement de nos lecteurs, nous ajouterons de courtes remarques qui en sont les corollaires. La conférence de Constantinople, quand elle ne comptait que trois plénipotentiaires, n’avait pas trouvé, sans de fâcheux tiraillemens, un terrain d’entente. Elle y était parvenue cependant, grâce à l’esprit de transaction animant les puissances qui y étaient représentées et à leur désir commun de concilier le respect dû à la souveraineté du sultan avec la sécurité qu’il importait de garantir aux chrétiens. Les nouveaux intervenans avaient, avec les mêmes vues, d’autres préoccupations. Ayant mis la main sur Constantinople, l’Allemagne surtout n’entendait pas être troublée dans le nouveau domaine où son action s’exerçait en toute liberté ; son influence était acquise à son vassal, et l’Allemagne entraînait avec elle ses deux alliées, l’Autriche et l’Italie. L’accord à six devait donc se heurter à des difficultés plus graves que celles qu’avait rencontrées l’accord à trois.


IV

A la vérité, malgré la communication, faite à leurs gouvernemens, du travail des trois ambassadeurs et dont le texto avait été soumis à l’examen du sultan, les représentans des puissances unies par la Triple Alliance laissèrent à leurs collègues, autours du plan de réformes, le soin d’en poursuivre la discussion avec le gouvernement ottoman. Nous avons déjà dit qu’au projet primitif