Pour leur donner une couleur humanitaire, le cabinet anglais, dans les arrangemens pris avec le sultan, avait, d’autre part, stipulé « l’amélioration du sort des Arméniens. » Il se hâta d’occuper Chypre, mais il ne tenta aucun effort pour remplir ses propres engagemens. Une sorte d’apaisement ayant succédé à la guerre russo-turque, il se contenta de cet état d’atonie passagère, et il se renferma dans une complète abstention. Mais, aux premières rumeurs des persécutions sanglantes survenues au pied de l’Ararat, l’opinion en Angleterre, préparée par les publications du comité arménien, que soutenait la presse libérale, et mise en mouvement par l’action de la Société évangélique, manifesta hautement son indignation irritée, et somma le cabinet de M. Gladstone de remplir son devoir. C’est sous cette vigoureuse impulsion que le cabinet de Londres entreprit de se concerter avec la Russie et la France. On conçoit dès lors qu’il s’y soit engagé avec d’autres vues et dans d’autres desseins que ceux du gouvernement du tsar.
N’ayant rien à attendre et tout à redouter des complications que pouvait amener la constante décadence de la Turquie, la France devait faire obstacle à toute mesure destinée à porter atteinte à un principe que toutes les puissances d’ailleurs se sont constamment engagées à respecter : celui de l’intégrité de l’empire ottoman, base de tous les arrangemens intervenus depuis que la question d’Orient est devenue un péril permanent pour l’Europe. Mais la France avait une autre tâche à remplir, digne de son glorieux passé, et qui lui était imposée par une tradition séculaire. Protectrice reconnue des établissemens charitables et éducateurs que le catholicisme a fondés et qu’il entretient en Orient sous la direction d’ordres religieux, la France a le droit, établi par l’usage plus encore que par les traités, disons mieux, elle a le devoir de leur garantir une entière sécurité. Nous sommes de ceux qui pensent que le gouvernement de la République s’en est acquitté dans les limites d’une légitime intervention.
Mais, dira-t-on, quel soulagement, quelle réparation le gouvernement français a-t-il procuré aux chrétiens qui ont survécu aux carnages attestés par les ossuaires que l’on rencontre encore à tout pas en Arménie ? Les écrivains qui tiennent ce langage s’imaginent que la France est fondée à revendiquer un droit de protection sur tous les chrétiens d’Orient indistinctement ; d’aucuns se bornent à penser qu’il s’exerce, depuis un temps immémorial, en faveur des catholiques ; les uns et les autres commettent une