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LE
CONCERT EUROPÉEN

À ne voir les choses qu’à la surface, l’état de l’Europe, en cette fin de siècle, n’était certes pas, naguère, pour alarmer les esprits même les plus timorés. Dans un ensemble harmonieux qui avait tous les caractères d’un concert bien ordonné, empereurs, rois, présidens, tous les chefs d’État saisissaient, avec un égal empressement, toutes les occasions qui leur étaient offertes pour témoigner de leurs intentions pacifiques et affirmer que la tranquillité du continent européen n’avait jamais été plus fermement assurée.

Au cours de sa dernière apparition à Saint-Pétersbourg, l’empereur Guillaume, répondant à un toast courtois, mais rapide, de l’empereur Nicolas, le remerciait longuement de la réception « si cordiale et si grandiose qui lui était faite, » et il ajoutait : « Je puis, avec confiance, jurer de nouveau, à Votre Majesté, — et en faisant ce serment j’ai, je le sais, tout mon peuple derrière moi, — que j’aiderai de toutes mes forces Votre Majesté à accomplir la grande œuvre tendant à conserver la paix aux peuples, et que je prêterai aussi à Votre Majesté mon appui le plus énergique contre quiconque essayerait de troubler ou de rompre la paix. » À la fois conciliant et comminatoire, bien qu’inusité dans les relations personnelles des souverains qui ne se doivent réciproquement aucun serment, ce langage n’a surpris personne ; le prince qui l’a tenu a, de longue date, habitué son auditoire européen à l’entendre exprimer, avec abondance et précision, ses sentimens et sa volonté. D’autre part, il serait difficile de méconnaître qu’il ne pouvait offrir un gage plus solennel de sa ferme