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der le terrain, d’éprouver les résistances. Le projet de loi sur les quatre contributions est identique à celui des années précédentes : l’impôt personnel-mobilier et l’impôt des portes et fenêtres y figurent eux-mêmes dans les mêmes conditions qu’autrefois. Nul ne peut dire ce que sera l’avenir, et M. Brisson y serait peut-être aussi embarrassé que nous ; mais, pour le moment, il a jugé ne pouvoir subsister qu’à la condition expresse de parler et d’agir comme ses devanciers. Il était difficile de donner une démonstration plus éclatante à ce fait, d’ailleurs incontestable, que le programme radical n’a pas de majorité au Palais-Bourbon. Pour en avoir une, les radicaux sont obligés de l’abandonner.

Dès lors, on se demande ce qu’ils sont venus faire au pouvoir, et c’est une question à laquelle il est difficile de se faire à soi-même une réponse satisfaisante. Nous ne voulons pas revenir sur les détails de la crise ministérielle : ils sont déjà un peu anciens. On nous permettra néanmoins d’y signaler une innovation qui n’est pas très heureuse. C’est la première fois que le chef de l’État a donné à des hommes politiques chargés de former un ministère ce qu’on a appelé dans la presse un mandat limité, et c’est la première fois que des hommes politiques ont accepté un mandat dans des conditions aussi étroites. Jusqu’à ce jour un homme politique, après avoir causé avec le chef de l’État et lui avoir fait connaître ses vues, était chargé purement et simplement, si ses vues inspiraient confiance, de former un cabinet à ses risques et périls. Le chef de l’État irresponsable n’allait pas plus loin ; il se gardait bien d’indiquer lui-même ce que devrait être la combinaison à laquelle il convenait de s’arrêter. C’est pourtant ce qui est arrivé avec deux des hommes politiques que M. Félix Faure a fait appeler à l’Elysée, M. Sarrien et M. Peytral. Il les a chargés de former, s’ils pouvaient y réussir, un ministère de conciliation, mais rien qu’un ministère de conciliation. S’ils y échouaient, et s’il fallait en venir à un ministère homogène, M. le Président de la République avait d’autres candidats pour le constituer. M. Sarrien et M. Peytral se sont usés en efforts infructueux. Peut-être n’est-ce pas ainsi qu’il faut parler pour être tout à fait exact. MM. Sarrien et Peytral ne se sont pas usés, puisqu’ils font partie l’un et l’autre du ministère actuel, et les efforts du second n’ont été infructueux que parce qu’il l’a bien voulu. Il ne dépendait que de lui de faire un ministère de conciliation avec deux ou trois progressistes, égarés, à la vérité, et un peu en rupture de ban, mais qui n’étaient pas les premiers venus. Quand il s’est vu sur le point de conclure, il a imaginé lui-même un empêchement à sa combinaison, et s’est em-