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homme perdu, écrit-il de nouveau le 10 juillet 1863… Il n’y a plus de place pour moi dans ce monde, je n’ai plus de goût pour rien, pour l’art ni pour la vie. Tant de Secousses et le sentiment de mon impuissance m’ont anéanti. » Lorsque le secrétaire aulique du roi de Bavière vint lui apporter les offres de son maître, il le trouva, à Stuttgart, dans une chambre d’hôtel, occupé à faire ses malles pour quitter l’Allemagne : ses créanciers avaient obtenu contre lui un mandat d’arrêt !

M. Weissheimer lui a rendu plus d’un service, durant ces cruelles années. Il a organisé un concert à son bénéfice, il l’a recommandé à des éditeurs, il a même mendié pour lui, — d’ailleurs sans résultat, — dans les rues de Wiesbaden. Et personne ne trouvera mauvais qu’il s’en fasse honneur. Pourquoi seulement n’a-t-il pas rendu à son ami le service suprême d’oublier l’affaire de la noce et celle du Kœrner ? Pourquoi n’a-t-il pas tiré un meilleur parti de la leçon que lui donnait, à Munich, durant les répétitions des Maîtres Chanteurs, son confrère et ami, Félix Drœseke, qui avait été, lui aussi, un wagnérien de la première heure ? « Sans doute, disait ce sage, le commerce de Wagner n’a en ce moment pour nous rien de bien agréable ; mais plus tard, dans trente ou quarante ans, comme le monde entier nous enviera d’avoir été ses amis ! »


T. DE WYZEWA.