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pain, c’est-à-dire un bien-être plus large encore avec de plus amples loisirs. Cependant les députés ne savent comment s’y prendre. Ils n’ont à leur portée, dans les cartons, que des lois toujours et pas de pain. Si l’on essayait de faire du pain avec des lois ? C’est la question qui se pose.

De nobles réformes politiques s’étant trouvées accomplies à une époque peu éloignée de découvertes scientifiques prodigieuses, beaucoup de gens ont cru qu’entre les deux choses il y a un rapport quelconque, bien qu’il n’y en ait absolument aucun : l’ouvrier de 1835 ressemblait beaucoup comme salarié à celui de 1788 dont il différait si fort comme citoyen ; l’ouvrier de 1898 est semblable, comme citoyen, à celui de 1848 dont il diffère si fort comme salarié. La science et la politique ont leurs domaines distincts ; la première donne le bien-être, la seconde donne la liberté et la justice. Pour forcer l’État à sortir de sa sphère, des méchans et des naïfs affirment à la masse qu’elle est spoliée. Ils ne savent pas, hélas ! à quel point on les croira. Le trésor qu’ils promettent n’existe nulle part, mais le regret d’être privé de cette richesse imaginaire suffit à gâter, pour la foule, le charme des biens nouveaux et réels dont ce siècle l’avait gratifiée.


Vte G. D’AVENEL.