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par des milliers de lieues, abandonnés à leurs propres forces. Qu’on songe maintenant à la puissance de l’ennemi contre lequel ils doivent lutter. L’escadre anglaise en Extrême-Orient est près de cinq fois supérieure à la nôtre : elle peut, de plus, appeler à son secours les divisions du Pacifique et d’Australie, et jeter, en quelques semaines, sur notre Indo-Chine, une partie de l’armée des Indes. Tandis que les dépêches de notre gouvernement s’arrêtent en route ou arrivent trop tard, l’Amirauté a toute liberté de donner les ordres nécessaires. Il y a là, assurément, un danger sérieux et de nature à rendre singulièrement inégales les chances de la lutte.

De plus, ces stations créées partout, peuplées d’agens anglais, constituent un moyen d’influence précieux. Combien plus précieux encore dans des circonstances telles que les incidens siamois ou marocains, qu’on a encore présens à la mémoire, et où des ruptures de câbles opportunes ou des encombremens miraculeux aboutissaient toujours à ce résultat, que la diplomatie anglaise était la première ou la seule informée de choses que d’autres nations auraient eu un égal intérêt à connaître !

Tout récemment encore, au moment où la flotte américaine cherchait à détruire les escadres espagnoles, on a pu voir le rôle important que joue la possession du câble télégraphique dans la transmission des nouvelles.


VII

Depuis quelques années, une agitation s’est produite dans l’opinion en France. Une compagnie puissante a été créée avec l’appui des pouvoirs publics. Une importante société de constructions électriques, la Société industrielle des téléphones, a créé à Calais une usine de fabrication de câbles sous-marins ; elle a ainsi pu entreprendre la pose et l’exploitation des lignes nouvelles qui relient entre eux le Brésil, les petites Antilles, Haïti et la Havane. Le gouvernement de la République, pénétré de l’infériorité de notre situation, a fait, dernièrement, voter par les Chambres de fortes subventions pour faciliter la jonction des deux Amériques au moyen d’un câble français, et surtout pour créer un nouveau câble transatlantique. Ce câble sera le seul qui reliera directement l’Europe continentale aux Etats-Unis. Sa valeur atteint 20 millions de francs ; il a été construit dans les usines de Bezons et de Calais,