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expéditions coloniales, ses propres troupes ont trouvé devant elles des ennemis munis, par les soins de négocians anglais, d’armes de fabrication anglaise ! Aussi le Gouvernement de la Reine a-t-il pris soin de faire insérer, dans les cahiers des charges, cette quadruple condition :

Que les compagnies de câbles ne devront pas avoir d’employés étrangers ;

Que les fils ne passeront dans aucun bureau étranger et ne pourront être sous le contrôle d’un gouvernement étranger ;

Que les dépêches du gouvernement anglais auront la priorité sur toutes autres ;

Qu’en cas de guerre, le gouvernement pourra occuper toutes les stations du territoire anglais ou sous la protection de l’Angleterre, et se servir du câble au moyen de ses propres agens.

Maintenant qu’il est bien établi qu’aucune dépêche partie d’un point quelconque du globe ne peut atteindre l’Europe qu’à travers le réseau des câbles anglais, imaginons, ce qu’à Dieu ne plaise, comme l’a indiqué M. Henry Bousquet, dans un remarquable ouvrage[1], que la guerre éclate entre les deux grandes puissances maritimes du monde, l’Angleterre et la France.

Nous n’examinons pas ce qui peut arriver dans la Manche et la Méditerranée. Nous admettons que nos deux escadres y tiennent tête à l’énorme développement des forces anglaises et que les travaux de défense dont ces côtes sont hérissées suffisent à écarter l’ennemi et à le tenir au large. Mais la France n’est pas seulement une puissance continentale. Elle possède un empire colonial, et c’est pour le protéger qu’elle entretient, dans l’Atlantique, dans le Pacifique et dans l’Océan Indien, des divisions navales. Que deviendront ces colonies ? Que deviendront ces navires ?

La déclaration d’hostilités a été faite ; il importe que notre gouverneur général de l’Indo-Chine et le chef de nos forces navales en Extrême-Orient en soient informés aussitôt. La nouvelle est donc télégraphiée. Mais prenez donc la carte des communications sous-marines, vous y verrez que le câble anglais touche à Aden, terre anglaise ; à Bombay, terre anglaise ; à Madras et à Singapore, qui sont bien, si nous ne nous trompons, des terres anglaises. Les télégrammes sont arrêtés et voilà donc nos navires sans nouvelles, sans instructions précises, séparés de la mère patrie

  1. La Question des câbles sous-marins en France, par Henry Bousquet.