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ses morts et les enterre autour de la demeure commune, dans le jardin qui l’entoure. On rencontre des sépultures à chaque pas. Or, laisser tomber une ombre sur la tombe d’un ancêtre est considéré comme une suprême injure, cette ombre fût-elle celle d’un fil télégraphique. C’est en vertu de ce sentiment, profondément enraciné dans le cœur des Chinois, que les premières lignes furent détruites sans que les autorités osassent chercher un moyen de répression. Les compagnies télégraphiques ne se tirèrent d’affaire qu’en renonçant dans le voisinage des tombeaux aux lignes aériennes et en employant des lignes souterraines.

Les agens atmosphériques, l’air, la chaleur et l’humidité, exercent une action destructive très rapide sur les fils des lignes. Les fils de fer sont corrodés par la rouille, même lorsqu’ils sont protégés par une galvanisation superficielle. Le moindre choc qui détache un morceau de la pellicule protectrice détermine un foyer d’oxydation qui atteint bientôt toute la masse du fil. Les fumées qui se trouvent dans l’air, surtout dans les régions industrielles, les vapeurs salines au bord de la mer, activent cette corrosion. Aussi une part du succès qu’ont obtenu les lignes de cuivre tient-elle à la résistance que ce métal oppose aux influences destructives de l’air et du temps.

Fils de fer ou de cuivre, les fils de ligne sont fréquemment détruits au cours de l’hiver par l’accumulation de verglas qui se produit sur eux et les entoure souvent de manchons de glace plus gros que le bras. Le froid lui-même, en dehors de toute production de glace, peut faire rompre les lignes, lorsque la tension d’un fil, établi pendant la belle saison, n’a pas été calculée de façon à tenir compte de la contraction du fil. Aussi, dans les pays froids, a-t-on fréquemment à constater des ruptures de fils. Ces ruptures sont d’autant plus à craindre dans les pays du nord de l’Europe que, pendant la saison froide, la nuit est presque ininterrompue ; la réparation des lignes constitue une opération pénible et périlleuse.

En Norvège, où les lignes télégraphiques atteignent la plus haute latitude, il y a, dans la partie qui s’étend de Tromsœ au Cap Nord, un réseau télégraphique dont la longueur atteint 2 000 kilomètres, tandis que la distance totale à vol d’oiseau des villes à relier n’en atteint pas mille. Ces lignes se développent en contournant les nombreuses sinuosités dont les fiords dentellent les côtes. Elles traversent un pays couvert seulement de maigres