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de rafraîchissemens de toute sorte ; bref, la France eut le dernier mot, puisqu’on se sépara au son de Vive la Canadienne !

Je m’informe des origines de la société. En somme, elles sont anglaises ; tout l’honneur de ce développement intellectuel qui se prépare au Canada remonte à lady Aberdeen. Elle a éveillé une noble émulation pour les choses de l’esprit chez ces mères de famille qui jusque-là dirigeaient leur activité d’un seul côté. Je constate les aspirations sérieuses de quelques très jeunes femmes que la poésie, le roman, la littérature pure et simple effraye un peu comme frivole. L’une d’elles, fille d’un jurisconsulte, a composé un cours de droit élémentaire pour aider les femmes à bien mener leurs affaires et celles de leurs enfans. Il faut dire qu’au Canada, bien qu’il soit toujours régi par la Coutume de Paris, quelque peu modifiée sans doute, les femmes ne sont pas en tutelle. Le droit de tester à sa guise existant pour le père, il arrive que les fils n’héritent pas directement ; le fils aîné d’une famille nombreuse me disait : « — Notre grande soumission à notre mère restée veuve ne venait pas seulement de l’amour qu’elle nous inspirait. Nous savions que notre avenir matériel était entre ses mains, puisque, héritière unique de notre père, elle pouvait à sa guise répartir ses biens entre nous ou nous en déposséder tout à fait. » La tendresse naturelle des parens pour les enfans répond de la justice apportée dans cette distribution. Généralement le fils aîné est avantagé, ayant des devoirs particuliers à l’égard de ses frères.

Mais revenons à la question féministe : lady Aberdeen, qui tient le gouvernail, ne se borne pas à encourager les travaux de l’esprit ; tous les efforts, quels qu’ils soient, l’intéressent ; elle veut que le labeur de la servante ou de la journalière soit honnêtement rétribué, elle se préoccupe du sort de ces humbles, et, pour donner l’exemple, elle réunit ses propres domestiques dans des meetings, où les enseignemens utiles et les bons conseils alternent avec les lectures et les tasses de thé. Son influence sur tous les points est des plus salutaires, chacun le reconnaît.

Lady Aberdeen n’habite ni Montréal, ni Québec, quoique maintes circonstances officielles l’amènent dans ces deux villes.

La capitale de la puissance (dominion) et la résidence du gouverneur général du Canada est Ottawa, une ville neuve de 40 000 habitans environ, tandis que Québec en compte 75 000, et Montréal plus de 200 000 ; mais le choix d’Ottawa eut