à certains particuliers, mais de ces patentes, plus d’un se passa ; l’espèce vaillante, pittoresque, romantique, tant vantée, tant chantée du coureur de bois surgit, proche parente du bandit, si l’on veut bien admettre des bandits-gentilshommes.
Entre le coureur de bois et le sauvage, l’intimité était des plus étroites ; ils faisaient ensemble de belliqueuses excursions chez les fermiers de la Nouvelle-Angleterre qui racontent encore les scènes de pillage que dirigèrent les « gentilshommes français » et, à les en croire, certains prêtres catholiques. Il est très vrai que la surveillance du jésuite ou du prêtre des missions étrangères s’exerça jusque dans les expéditions de cette sorte, mais les historiens protestans en ont pris prétexte pour des calomnies ; ils ne veulent pas admettre que le but du missionnaire en suivant la horde déchaînée était d’empêcher autant que possible des atrocités toujours menaçantes. Le sauvage converti était soumis au prêtre comme un petit enfant ; encore fallait-il qu’il n’eût pas goûté à l’eau-de-vie qui faisait de lui un fou furieux. Ce fut le but constant du clergé que d’empêcher l’Indien de boire ; la guerre violente entre Mgr de Laval et le gouverneur Frontenac n’eut point d’autre cause. Cette fois le gouverneur fut soutenu par la politique de Colbert qui refusa de supprimer complètement un trafic d’où sortaient de grandes ressources pour la colonie. Il alléguait que les Indiens habitués à l’eau de feu iraient en demander aux Anglais et aux Hollandais. Que pouvait le clergé ? Multiplier les excommunications, les refus de sépulture, user même des châtimens corporels qui tombaient indistinctement sur les Peaux rouges et blanches sans provoquer de révolte, mais aussi sans amener de repentir sérieux. Le jeu, l’eau-de-vie, tels étaient les vices de l’Indien, vices partagés par le coureur de bois.
Chez l’habitant régnaient en revanche toutes les vertus patriarcales. Les familles étaient nombreuses, presque à l’état de tribus, les parens qui tardaient à marier leurs enfans se voyaient mis à l’amende, tandis qu’un « don du roi » récompensait toute fille mariée dès l’âge de quinze ou seize ans, sans préjudice de la dot assurée à chacune des fiancées qui arrivaient par cargaisons sur les navires de France et que les colons recevaient de la main des religieuses. La sœur Marguerite Bourgeoys s’acquittait naïvement de cette besogne d’entremetteuse à Montréal : elle habitait la maison des filles d’honneur et présidait aux entrevues ; une pieuse veuve, Mme Bourdon, s’était chargée du même soin à Québec. Bien