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visibles, parce qu’il n’est pas rare qu’ils se magyarisent, au moins de nom, — et en adoptant de préférence les grands noms de la Hongrie ; — partout ou presque partout à l’état de communautés distinctes ; quatrième degré du particularisme.

A toutes ces différences du sang ajoutez toutes les dissidences de la foi, cause toute-puissante d’unité lorsqu’elle unit, inépuisable source de divisions lorsqu’elle divise ; et voici, outre les particularismes d’origine ethnique, historique ou politique, les particularismes d’origine religieuse : pour la Cisleithanie, en Galicie, entre Polonais catholiques et Ruthènes grecs unis ; pour la Transleithanie, dans la Hongrie du nord, entre ces mêmes Ruthènes grecs unis, Slovaques catholiques et Magyars calvinistes ; en Transylvanie, entre Magyars calvinistes ou catholiques et Roumains grecs orientaux ; en Croatie-Slavonie, entre Serbes grecs orientaux et Croates catholiques ; en Bosnie-Herzégovine, enfin, entre catholiques grecs, et musulmans.

Si, du moins, ces divergences s’atténuaient ou s’effaçaient par une forte aspiration vers l’unité nationale, dans le sentiment très fort de l’unité nécessaire de l’État ! Mais tout au contraire, — et l’Orient particulariste se retrouve ici, — les Allemands d’Autriche n’ont que le sentiment d’un État allemand ; les Magyars, chez qui il est porté au plus haut point pourtant, n’ont que le sentiment d’un État magyar ; et pour les autres, ils n’ont pas, Slaves, le sentiment d’un État slave, mais le panslavisme, au fond, n’a pas d’adversaires plus tenaces que tous ces slavismes particuliers, et ils n’ont, Tchèques, que le sentiment d’un État bohême ; Polonais, d’un État polonais ; Croates, d’un État croate ; ou Serbes, d’un État serbe. Les Roumains de Transylvanie ne pensent qu’à un État roumain. Quant à l’État autrichien, personne peut-être, — sauf l’Empereur, — n’y a jamais songé. Ou bien encore si ces peuples n’étaient que différens de race et de religion, sans être mutuellement hostiles ! A défaut de l’unité nationale impossible, on pourrait alors espérer une espèce de paix impériale ; mais ils se jalousent, se méprisent et se détestent les uns les autres. On sait assez comment se comportent les Tchèques vis-à-vis des Allemands, et les Allemands vis-à-vis des Tchèques. Entre Polonais et Ruthènes, non plus, ce n’est pas seulement des tendresses qu’on échange. Les Magyars ont une façon de mener les Slovaques, et les Slovaques une façon de parler des Magyars, qui ne sont pas pour faire régner entre eux la concorde et l’amour. — Ne cite-t-on