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croient, elles aussi, des droits : Polonais de Galicie, Italiens du Trentin, du Tyrol et du Küstenland, Slovènes de la Carinthie et de la Carniole ne manqueraient pas de protester et d’en réclamer le bénéfice : la Hongrie, sûrement, gronderait. On risquerait à la fois de donner trop et de donner trop peu.

Ce ne serait, — si c’en était une, — qu’une solution provisoire ; après quoi, de cette transformation de la Monarchie, en sortirait une autre, et le régime trialiste, à son tour, se changerait en régime fédéraliste. Mais, outre que les ressorts qui tendent, à sa plus grande puissance, les forces d’un État en seraient nécessairement relâchés et que la valeur européenne de l’Autriche en diminuerait, au point de vue intérieur lui-même, ce ne serait point une solution, si, en effet, ayant chacune une place dans la Monarchie, les nationalités combattaient désormais à qui d’entre elles y aurait la place prééminente. Le nombre, considéré seul, assurerait alors l’hégémonie à l’élément ou plutôt aux élémens slaves, et ainsi la transformation de la Monarchie dualiste en Monarchie fédéraliste entraînerait comme de soi, dans la politique internationale, la transformation d’un facteur auparavant tenu pour allemand en un facteur qui pourrait s’ajouter à la masse slave. Seulement la constitution, au détriment de l’influence allemande, d’un nouvel empire d’influence slave, ne s’opérerait pas sans que l’Allemagne proprement dite prît ses sûretés, et probablement un peu plus que des sûretés ; sans pousser à bout, sans rejeter au dehors la Hongrie magyare, anti-slave par définition, qui tomberait tout à fait dans l’orbite allemande, coupant en deux tronçons ce conglomérat slave, déjà si mélangé, si hétérogène, d’ailleurs. — Ou bien, comme après tout il y a autre chose que le nombre, comme il faut compter à leur prix la cohésion, l’énergie, le sentiment national, l’aptitude politique, une quatrième solution ne saurait-elle prévaloir, qui ferait de l’Autriche-Hongrie que nous avons vue, et dans laquelle la Hongrie semblait, parfois à tort, au second rang, une Hongrie-Autriche où les rôles seraient intervertis, où la Hongrie deviendrait la moitié dirigeante, et, en quelque sorte, la gérante de l’association devant le monde ? Mais celle-ci aurait contre elle les rancunes de l’Autriche dépossédée et les colères des Slaves désespérés.

Entrons de plus en plus avant dans le domaine de l’hypothèse. Une solution autrement radicale, mais qui, toutefois, rencontre des gens pour la préconiser, serait la séparation de l’Autriche et