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REVUE DRAMATIQUE

À la Renaissance, Papa Lebonnardo, pièce en quatre actes, traduite de M. Jean Aicard. — Aux ESCHOLIERS, la Confidente, pièce en trois actes, de M. André Picard.


C’est une aventure charmante. Le Père Lebonnard, drame en quatre actes, en vers, fut présenté, il y a une dizaine d’années, à la Comédie-Française. L’ineffable Comité de lecture reçut la pièce à l’unanimité. Mais, aux répétitions, les comédiens ne la reconnurent plus ; ils reprochèrent à l’auteur de les avoir trompés en la lisant trop bien et eurent avec lui de si mauvais procédés qu’enfin il retira sa pièce. Ils ne manquèrent point à leur parole : pour qui les prenez-vous ? Seulement, ils contraignirent M. Aicard à la leur rendre, ce qui était peut-être pire.

Le Père Lebonnard fut recueilli par le Théâtre-Libre, et joué avec un succès incontestable. Mais il était assez difficile de démêler ce qui, dans ce succès, revenait au mérite de l’œuvre et ce qui en était attribuable au désir de protester contre la conduite peu élégante de nos Comédiens ordinaires. Nous le savons aujourd’hui. La pièce a été traduite en italien ; le grand acteur Novelli s’en est épris ; il l’a promenée un peu partout, triomphalement ; et voilà qu’il nous la rapporte. Et nous voyons clairement que Papa Lebonnardo est une bonne comédie dans la manière d’Emile Augier ; que la Comédie-Française l’eût aisément jouée une cinquantaine de fois et peut-être davantage, et qu’elle aurait donc gagné à être plus… correcte.

Il y a, dans l’ouvrage de M. Jean Aicard, un personnage très étudié, pittoresque, intéressant, émouvant même, — et une scène très dramatique et, comme on dit, « d’un effet sûr ». Croyez que c’est beaucoup pour une seule pièce.

C’est un exquis bonhomme que le père Lebonnard. M. Jean Aicard lui a donné l’âme la meilleure et la plus tendre, une âme qui appartient, dans son fond, à la famille des grands charitables, des Vincent de Paul, des Myriel, des Jean Baudry. Mais en même temps il a su enfermer cette âme dans une enveloppe et la placer dans des conditions d’existence qui la font individuelle et très vivante.