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les horloges de la ville et que la loi de 1891 avait étendue à tout le pays.

Si, comme il est vraisemblable, le Sénat ratifie la nouvelle proposition de la Chambre, toutes les horloges publiques devront être, dès la promulgation de la loi, retardées exactement de 9 minutes 21 secondes. Pour les horloges de chemins de fer, horloges intérieures, qui déjà sont en arrière de 5 minutes, le « coup de pouce » obligatoire ne devra plus être que de 4 minutes 21 secondes. Cette rétrogradation brusque de près de dix minutes créera à ce moment unique une heure monstrueuse de 69 minutes et apportera une dérogation unique au cours régulier de nos habitudes. C’est une bien petite anomalie en comparaison des révolutions qu’a subies autrefois le calendrier. Au temps de la réforme grégorienne, en 1582, les Français ont eu un mois de décembre qui compta seulement vingt jours — et les Romains de l’an 40, au temps de Jules César, ont vécu une année, de 445 jours qui fut appelée « l’année de confusion ».

La réforme en projet, tout au contraire, n’amènera aucune confusion. Elle est précisément destinée à faire cesser celle qui existe présentement. Elle mettra notre système de notation de l’heure en harmonie avec celui de presque toute l’Europe, c’est-à-dire avec le système des fuseaux horaires. La France aura la même heure que l’Angleterre (heure de Greenwich) qui deviendra aussi celle de l’Espagne et du Portugal. Dans toute l’étendue de ces pays qui forment le fuseau de l’Europe Occidentale il n’y aura point de différence dans la marche des montres ou des horloges. Il y sera midi au même moment, partout, aussi bien à Paris qu’à Nancy, à Brest, à Londres, à Plymouth, à Douvres, à Lisbonne, à Cadix et à Barcelone ; et, dans ce même instant physique, il sera exactement une heure dans toute l’Europe Centrale, Belgique, Allemagne, Autriche, Italie ; l’heure de Rome, de Berlin ou de Vienne ne différera de la nôtre que d’une unité exactement, sans appoint de minutes. Simultanément, il sera deux heures précises à Moscou, à Budapest, à Constantinople, et en général dans toute l’Europe Orientale qui forme le second fuseau après le nôtre ; il sera six heures du soir à Calcutta qui est dans le sixième fuseau ; il sera neuf heures du soir, exactement, au Japon qui fait partie du neuvième fuseau, et ainsi de suite. Il suffit de connaître le numéro d’ordre du fuseau auquel appartient un pays pour savoir l’heure qui y règne. Et toujours les nombres sont entiers et