Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’autre feront leur possible pour les écarter ou les ajourner ; mais elles peuvent se produire tout de même. Quant à Milan, il n’est pas encore tout à fait rassuré sur la solidité de sa victoire électorale, et il multiplie les précautions contre la Skoupchtina. Elle devra, dit-on, se réunir à Nisch : on annonce que le siège du commandement général de l’armée sera transféré aussi dans cette ville. Milan, l’armée, la Skoupchtina doivent demeurer inséparables, et on devine quel est celui de ces élémens qui influera sur les autres. Mais les desseins du Roi restent mystérieux. Craint-il pour la solidité du trône ? Est-il inquiet de la santé de son fils, qui est toujours délicate et frêle ? A-t-il de grandes vues politiques, ou seulement des préoccupations personnelles ? Avec lui, tout est possible : aussi la situation des Balkans ne parait-elle plus tout à fait aussi calme et aussi rassurante, depuis qu’il a fait sa rentrée à Belgrade.

Nous n’avons pas parlé depuis quelque temps de la guerre hispano-américaine, parce qu’elle traînait en longueur sans amener aucun incident. Nous n’en parlerons pas encore aujourd’hui, ou du moins nous ne le ferons que très brièvement, parce que la crise paraît être sur le point d’arriver à un point décisif, et qu’il vaut mieux attendre quelques jours afin d’être fixés sur la manière dont se présentera le dénouement. Quant à ce dénouement lui-même, il était dès le premier jour inévitable. L’Espagne n’est pas en mesure de lutter longtemps contre la puissance supérieure des États-Unis, et ce duel inégal serait déjà terminé, si les Américains s’y s’étaient mieux préparés. Peut-être ont-ils eu trop de confiance en eux-mêmes. Les circonstances les ont admirablement servis aux Philippines, et moins bien à Cuba. Soit bonne fortune, soit audace intelligente, l’amiral Dewey s’est emparé de Cavité avec une facilité que l’amiral Sampson n’a pas retrouvée à Santiago. Après son premier succès, l’amiral Dewey est resté dans une inertie qui a causé quelque surprise. On a cru qu’il manquait de munitions, on a dit qu’il attendait des renforts : rien de tout cela n’est aussi certain aujourd’hui. Il semble bien que l’amiral américain se soit tenu en communication avec les insurgés, et qu’il ait attendu le moment où ils se présenteraient en force devant Manille pour agir à son tour, appuyer leur action et en profiter. La garnison de Manille, prise entre deux feux, est dans l’impossibilité de résister : elle semble n’avoir que le choix de son vainqueur. Le télégramme envoyé par le général Augusti au gouvernement espagnol présente la situation comme désespérée. Est-elle