Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/953

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiendraient là, et n’exposeraient pas leur candidat à un nouvel échec : ils ont préféré en courir la chance, et n’ont réussi qu’à faire battre M. Brisson une fois de plus. C’était aussi la dernière, car on nommait enfin le bureau définitif. Ici encore, il faut rendre grâce aux radicaux : leur insistance a accentué le succès de M. Deschanel. Celui-ci, d’une voix est passé à quatre, et de quatre, il est passé à dix. La majorité reste faible sans doute, mais elle est obstinée ; elle l’est pour le moins autant que les illusions des radicaux. Ils affectaient de se dire les maîtres de la situation ; ils faisaient tout haut leurs projets ; ils émettaient des prétentions, ils adressaient des sommations au gouvernement et à ses amis. Aujourd’hui, il faut en rabattre. Si ces trois scrutins successifs ne permettent pas encore de préjuger l’avenir de la Chambre, ils démontrent du moins que les radicaux, même unis aux collectivistes, depuis M. Bourgeois jusqu’à M. Millerand, ne peuvent pas s’enfler assez pour former une majorité.

Quant à l’avenir de la Chambre, il dépendra beaucoup de la discussion qui vient de s’ouvrir, et qui, vraisemblablement, sera close au moment où paraîtra cette chronique. Malheureusement, nous ne sommes pas sûrs que cette discussion soit aussi lumineuse qu’il le faudrait. On ignore encore l’attitude qu’y prendra le gouvernement. Les bruits les plus divers ont couru à ce sujet : peut-être ont-ils tous été exacts à un moment donné, et ont-ils ensuite cessé de l’être. Cela prouve qu’il y a de l’hésitation de la part de M. Méline et de ses collègues, en un moment où il faudrait, au contraire, le plus de netteté dans les vues et de fermeté dans la conduite. M. Méline veut-il rester aux affaires, ou bien se retirer ? Dans un cas ou dans l’autre, il doit se présenter au Parlement et lui parler de manières très différentes. S’il veut rester, il ferait bien de reconstituer immédiatement son cabinet et de paraître devant les Chambres, non seulement avec un programme arrêté dans toutes ses parties, mais avec les hommes qui doivent l’appliquer et en répondre. Mais il semble que M. Méline ne veuille prendre un parti définitif qu’après le débat et suivant la manière dont il aura tourné, ce qui est en livrer le dénouement au hasard, et peut-être à une confusion inextricable. Nous ne pouvons, pour le moment, que signaler le péril. Le bureau de la Chambre est constitué, mais voilà tout ; aucun orateur n’est encore monté à la tribune ; aucune parole politique n’a été prononcée. Tout ce qu’on a pu constater de la Chambre récemment élue, c’est qu’elle est encore plus passionnée et plus bruyante que sa devancière. M. Deschanel, qui a déjà donné tant de preuves de courage, a fourni la plus grande de toutes en sollicitant une